Adaptée du comics signé Joe Hill et Gabriel Rodriguez, la série Locke and Key a débarqué le mois dernier sur Netflix. Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps, c’est un énorme plantage. Comment transformer une pépite en véritable navet ? Netflix nous donne la recette dans cette adaptation.
A la base, un formidable comics
Locke and Key est à la base un comics, aussi nommé roman graphique en français, dont le scénario est signé Joe Hill (fils tout aussi talentueux que son célèbre père : Stephen King), et les dessins par le non moins talentueux Gabriel Rodriguez. Il raconte l’histoire de Tyler, Kinsey et Bode, deux adolescents et un enfant qui ont quitté San Francisco avec leur mère après le meurtre brutal de leur père pour emménager dans le manoir de Keyhouse, à Lovecraft, une ville du Massachusetts. Dans ce magnifique et inquiétant manoir, ils vont découvrir des clés magiques qui procurent des pouvoirs extraordinaires. Pour en citer quelques unes, on découvre par exemple » la clé de tête » qui permet d’enlever ou d’ajouter des éléments dans son esprit. D’autres permettent de se transformer en fantôme et de voler dans les airs, de changer son apparence, ou de voyager où on le souhaite simplement en traversant une porte. En bref, une belle mythologie se dégage de l’oeuvre et nous fait à la fois rêver, vibrer, s’inquiéter. S’il y a un antagoniste dans cette histoire qui cherche à mettre la main sur les clés, la véritable thématique de l’oeuvre se révèle le deuil et la question de comment le surmonter. Le comics acclamé par la critique est surprenant, enchanteur, tout en étant à la fois dur. Malheureusement, son adaptation sur Netflix ne lui rend pas honneur.
Une adaptation passe-partout
Il y avait de quoi fonder de beaux espoirs dans cette adaptation. La bande-annonce à la fois magique et intrigante donnait à voir un visuel réussi, comme un croisement entre la série d’horreur Haunting of Hill House (une petite merveille disponible également sur Netlix) et Stranger Things. Le casting semblait bien correspondre, au niveau physique, aux personnages du comics. Mais dans les faits, c’est un véritable raté auquel on assiste. L’adaptation se révèle être une terrible dénaturation de l’oeuvre originale. La raison à cela est simple, ses auteurs (et leur décideur : Netflix) ont souhaité faire une série qui s’adresse à la fois aux ados et aux adultes. La série reprant alors tous les défauts du teen-movie avec ses amourettes inutiles, annihilant toute la profondeur, la noirceur, l’atmosphère très Lovecraftienne du roman graphique. Certes, une adaptation est toujours une tentative périlleuse, mais lorsque l’on a une pépite entre les mains, il est profondément dommage de lui enlever toute son âme pour en faire une vulgaire oeuvre dénuée de sentiments, de toutes thématiques. En voulant plaire à tout le monde, Locke and Key n’a absolument aucun charme, bien loin du scénario virtuose de Joe Hill. Les réactions des personnes sont à la fois pathétiques, absurdes, et ridicules. La série n’a alors rien de complexe, les thématiques du deuil et de l’alcoolisme sont survolés, pour ne laisser place qu’à un duel pathétique contre les forces du mal.
Cette adaptation ôte à ses personnes toute leur marginalité, le tempérament de leurs doubles sur papier, pour en faire alors des stéréotypes des adolescents que l’on croise trop souvent dans les séries teenagers. Le côté malsain, flippant, violent, réaliste, du comics disparaît également pour laisser place à une ambiance adaptée au grand public ne permettant alors aucun sentiment de danger. Un peu comme Stranger Things, le talent en moins. L’ambiance sonore est pauvre et manque clairement d’une composition musicale symphonique permettant de faire vivre l’univers fantastique de l’oeuvre. Aussi, même si l’on peut reconnaître que l’aspect visuel des pouvoirs des clés est une réussite, que les effets spéciaux fonctionnent, la mise en scène manque d’une direction artistique assumée. Encore une fois c’est lisse, fade, sans risque.
En voulant plaire à tous, cette première saison ne prend aucun risque. Ce qui faisait le charme, le côté particulier et original du comics, laisse place à une série lisse, fade, sans direction artistique. Lorsque l’on a une telle pépite entre les mains, il est profondément dommage de la transformer en un navet. S’il n’y avait qu’une chose à retenir : jetez-vous plutôt sur le formidable comics de Joe Hill et Gabriel Rodriguez.