Il aura fallu près de huit années d’exil sur la terre désolée et tourmentée d’Islande pour permettre au jeune Damien Rice de se reconstruire. Une éternité loin des projecteurs, qui aurait pu être fatale à tout artiste, mais qui lui a permis de faire le deuil de sa collaboration avec la chanteuse Lisa Hannigan, tout en restant dans les mélodies lancinantes qui avaient fait son succès dans ses premiers albums : O et 9. Non, Damien Rice n’est pas plus joyeux qu’avant. Damien Rice fait du Damien Rice, tel qu’on avait pu le connaître avec son succès 9 Crimes. Mais justement, il s’impose par la maîtrise de son art. Fans de folk tourmentée et de mots doux dans le creux de l’oreille, cette chronique est pour vous.

Dès les premières secondes de l’album, l’interprète arrive à nous amener dans son monde : une sorte de mélange entre son Irlande natale et un idéal déchu. My Favorite Faded Fantasy… Autant dire que l’ambiance est posée. La guitare se lance seule, comme dans la majorité des morceaux de cet album -rappelant que Damien Rice est avant tout un guitariste- puis ce sont des choeurs, des violons et un clavier qui arrivent pour renforcer l’ambiance. Voilà la première particularité, Damien Rice a une histoire à raconter, et il mettra le temps qu’il faut pour vous la raconter. Ca tombe bien, le temps, nous l’avons aussi. Le second titre, le plus long, nous le montre bien. Piochant dans l’ambiant music d’Olafur Arnalds, un autre compositeur islandais, Damien Rice arrive à faire durer la mélodie sur près de dix -trop rapides- minutes. L’inquiétante It Takes A Lot To Know A Man, une sorte d’épopée lyrique alternant pop défaitiste, crescendo de choeurs, piano plus intimiste pour enfin se terminer dans une envolée orchestrale et magistrale. The Greatest Bastard , illustre la notion de spleen, où les accords au piano sont remplacés par un duo voix/guitare, un ensemble de violons et une percussion lointaine évoquant le bruit d’un cœur qui se meurt. Difficile de ne pas évoquer son Irlande natale. I Don’t Want to Change You , balade mélancolique dont les cordes frottées nous rappellent vaguement Sigur Rós. Les trois chansons suivantes (Colour Me In , The Box & Trusty and True ) agissent selon le même pattern, liant souffrance personnelle, déception, puis explosion émotionnelle. L’album se termine sur Long, Long Way , l’apothéose d’une recherche artistique et sentimentale. La voix est fatiguée, cassée. Le voyage se termine, sur une chanson de fermeture d’album typique comme avaient pu le faire The Killers avec Good Night, Travel Well ou encore Night In White Satin des Moody Blues. Une mélodie qui, en soit, transporte dans l’onirisme le plus forcené et dont il difficile de s’extraire une fois que le lecteur s’est arrêté…

Ne vous attendez donc pas à trouver un folk réinventée. Damien Rice n’est décidément plus dans la Teen-Folk qui avait fait son succès avec Cannonball (laissant ce privilège à Ed Sheeran ? ). Le musicien irlandais arrive très clairement à jouer avec vos émotions et vous le fait savoir, il vous convie à ce voyage, ce qu’un critique américain a qualifié d’Operatic Sensibility (Critique de O pour PopMatters, en 2003). Un magnifique proverbe irlandais dit que les larmes sont amères, mais que celles qui ne coulent pas le sont encore plus. Sans doute fallait-il cet album-exutoire pour permettre à l’enfant du pays, Damien Rice, revenir enfin sur le devant de la scène. Bienvenue dans l’intimité d’un homme déchiré par ses passions.

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