Publié pour la première fois en 1926, « Personne ne gagne » n’est pas un livre comme les autres. Autobiographie, tranche de vie, plaidoyer. Il n’est rien de tout cela et en même temps tout à la fois. Il est surtout une fenêtre sur l’Amérique souterraine au tournant du XXème siècle. D’une rare puissance.
C’est sur la route que Thomas Callaghan, alias Jack Black ou encore « Blacky », nous emmène car c’est tout simplement là qu’il a vécu. Jadis enfant rêvant d’aventures et admirant Jesse James, il nous entraîne dans une vie qu’il a choisie autant qu’elle s’est imposée à lui, nous ouvrant les portes de l’Amérique d’en-bas, celle des vagabonds, des voyages clandestins dans les trains de marchandises, des perçages de coffres et des fumeries d’opium. Jack Black n’est pas né bandit. Il l’est devenu au gré des épreuves et, surtout, des rencontres que la vie a placées sur sa route.
A vivre avec les loups, on apprend à hurler
Des nœuds ferroviaires de l’Utah aux fumeries d’opium de Vancouver, des pénitenciers de Folsom ou Saint-Quentin aux conventions de hobos de Pocatello, de larcins plus ou moins gros en peines de prison plus ou moins longues, Jack Black vous promène dans son baluchon. Vous y rencontrerez des compagnons aussi truculents que Foot-and-a-half George, Sanctimonious Kid et évidemment Salt Chunk Mary, entraîneuse, receleuse mais avant tout amie des hobos devant l’éternel. Vous y apprendrez ce que sont une consolante, un mâchon, un Johnnie-claque-des-doigts, la jungle, les Johnsons mais surtout vous accompagnerez la destinée d’un homme qui ne s’est jamais rêvé héros.
« Ma vanité juvénile – cette confiance excessive qui naît de notre ignorance – me soufflait que je pouvais gagner à un jeu que je savais dangereux et perdu d’avance »
Source d’inspiration pour William Burroughs et Jack Kerouac, « Personne ne gagne » est une plongée brutale dans le quotidien d’un homme qui s’affranchit de toutes les règles et qui n’est animé que par une inextinguible soif de liberté. S’il est une ode à l’aventure tout autant qu’un vibrant plaidoyer pour une justice empreinte d’humanité, il n’est en rien une confession. Non, car si ce livre est aussi vrai que les coups de fouet qui labourèrent le dos de Jack Black, il ne recèle aucun remord. Il est simplement la vérité de son auteur. Dure, féroce, sincère et avant tout sans concession.
« Personne ne gagne », de Jack Black. Éditions Monsieur Toussaint Louverture : 11,50 €