En cette fin d’année, l’éditeur Funforge nous arrive avec un énorme eurogame : Tindaya. Celui-ci nous entraîne quelques siècles en arrière en nous confiant le destin des idylliques (mais menacées) îles Canaries. Découverte…
Un millénaire d’harmonie. Voilà ce que vous touchiez du doigt et qui, soudain, menace de s’évanouir. Les yeux rougis par la fumée, vous ressortez de la tente des deux puissantes voyantes Tibiabin et Tamonante. Leurs prédictions sont funestes. Selon elles, les dieux Acoran et Moneiba sont ivres de fureur. Les offrandes et les sacrifices qu’ils réclament sont toujours plus importants et pour la première fois, vous craignez de ne pas réussir à apaiser leur colère. Les yeux mouillés de larmes, votre regard se porte au loin, sur la mer azur et sur les majestueux volcans endormis qui composent votre archipel. A l’ombre de ceux-ci, vous apercevez de nouveaux navires. Les conquistadors sont de retour, plus armés, plus déterminés et plus avides que jamais. Sur ce front-là aussi une nouvelle bataille s’engage…
Euuhhh… Mais c’est quoi tout ce matos ? Tu es sûr qu’on joue avec tout ?
Tindaya propose donc aux joueurs de prendre la tête d’une tribu autochtone à un moment clé de l’histoire des Îles Canaries. Il se présente sous la forme d’un plateau central composé de tuiles et qui, en début de partie, laissera apparaître différentes îles. Les joueurs exploreront celles-ci, y récolteront des matières premières, s’y développeront, y feront face à de terribles événements et y combattront les conquistadors. A côté de ce plateau principal viendront prendre place deux présentoirs. Le premier sera le Mont Tindaya, théâtre des prophéties des voyantes, et le second prendra les traits de la Nature. Enfin, chaque joueur disposera d’un plateau personnel composé d’une partie Métier et d’une partie Tribu. Sur celui-ci, les joueurs pourront débloquer de nouvelles inventions, générer des ressources, aménager une nouvelle grotte ou permettre aux membres de la tribu d’explorer le plateau principal.
Ouf, ça fait beaucoup ! Oui, on sait. De prime abord, Tindaya peut sembler intimidant. Il y a énormément de matos, des iconographies dans tous les sens, plusieurs plateaux/lieux à gérer et à surveiller et aussi un paquet de règles à assimiler. Pour les novices, ça pourra faire beaucoup. En réalité, ça fera même trop et c’est normal, Tindaya n’est volontairement pas un jeu léger que l’on sort pour une partie courte de 45 minutes avec des joueurs débutants ou irréguliers. Il se destine à un public aguerri, à des joueurs avides de jeux complexes et riches nécessitant un certain investissement en temps. Pour ceux-là, Tindaya sera une très belle découverte !
Coopérer (ou pas). Survivre (ou pas).
Tindaya est en effet un jeu riche. Et même très riche. Bien sûr dans les très nombreuses actions qu’il propose et dans les (très nombreux aussi) volets du jeu qu’il nous encourage à explorer mais aussi dans sa diversité intrinsèque. Il faut comprendre par là que l’installation des îles de départ est complètement modulable et que la difficulté peut être dosée selon que l’on mette plus ou moins de volcans actifs et de volcans éteints. Mais surtout, Tindaya propose deux modes de jeux bien distincts. Le premier est pleinement coopératif et les joueurs devront travailler de concert pour remplir leurs conditions de survie. Le second, appelé très justement le mode Domination, demandera aux joueurs de combattre ensemble les conquistadors mais ne récompensera que le meilleur d’entre eux s’ils y parviennent. Habituellement, lorsque deux modes de ce type cohabitent, on sent que le jeu a été taillé pour l’un plutôt que pour l’autre et on tend à délaisser celui qui fonctionne le moins au profit de celui qui fonctionne le mieux. Ce n’est pas le cas ici. Nos différentes parties nous ont donné des sensations de jeu différentes et si chacun aura évidemment sa préférence, les deux modes valent le coup d’être joué (et rejoué, et rejoué encore).
Tindaya est donc un jeu prenant et exigeant mais il est aussi un jeu superbe. Bien sûr, son matériel est pléthorique – cela va sans dire au vu de tout ce qu’il y a sur la table et de tout ce qu’il y a à faire – mais il est aussi très soigné et très dans le thème. Les couleurs en sont chatoyantes et les illustrations embarquent immédiatement les joueurs dans leur univers. Visuellement, c’est très agréable.
En conclusion
Nous l’avons dit (et plusieurs fois), Tindaya est un jeu très riche. Nous avons énormément apprécié sa profondeur, la liberté laissée à chaque joueur mais aussi son déroulement. Il exigera des joueurs une bonne coopération (même en mode Domination) tout en les mettant aux prises avec différents événements qu’ils auront eu (ou pas) la possibilité d’anticiper. Mieux, nous l’avons aussi trouvé pétri d’idées originales et s’il ne fallait en citer qu’une, nous retiendrions la lutte contre la surproduction. Ici, les joueurs sont encouragés à produire le nécessaire, tant en termes d’offrandes que de besoins, mais attention à la surexploitation de Mère Nature. Finir une ère avec des ressources en excédent (et dont l’avenir ne se situe qu’en triste mue vers l’aspect de déchet) ne pourra que provoquer la colère d’Acoran…
Mais nous vous laissons-là, il nous reste une porcherie à faire tourner, une visite aux voyantes à rendre et un conquistador à jeter dans le volcan. Une journée comme une autre dans la tribu des Imazighen…
Tindaya, un jeu de Lolo Gonzáles, illustré par Javier G. “Inkgolem”, édité par Red Mojo Games (pour la version originale) et par Funforge (pour la version française).
Nombre de joueurs : 1 à 4
Âge : dès 13 ans
Durée moyenne d’une partie : 90 à 120 minutes