[Présenté en Compétition au Festival de Cannes 2016]
Jimmy’s Hall devait être le dernier film de Ken Loach. Il n’en sera rien. Le réalisateur de 79 ans a en effet décidé de revenir au Festival de Cannes avec un film empli de sensibilité et de simplicité. I, Daniel Blake se trouve être une magnifique ode à la résistance de ceux que l’on pourrait qualifier de « nouveaux prolétaires », dans un système brutal et impitoyable, tentant en vain de se renouveler.
Daniel Blake, un menuisier de 59 mis en arrêt de travail après une crise cardiaque, se voit refuser ses allocations d’invalidité sous prétexte qu’il est apte au travail, idée démentie son entourage médical. Il va alors se lier d’amitié avec Katie, une jeune femme, vivant dans la précarité avec ses deux enfants et ayant, elle aussi, des démêlés avec l’autorité anglaise en charge de la protection des personnes non employées.
Une course à la vie, quitte à en mourir.
Rares sont les films qui, semble t-il, amènent les spectateurs à se demander si il s’agit d’un documentaire ou d’une fiction. Le réalisme et la simplicité sont maîtres dans ce long-métrage, et le spectateur se trouve être transporté dans les affres de l’administration, en même temps que les personnages se battent dans un combat perdu d’avance contre un Goliath, un immense structure déshumanisée, déconnectée de la réalité. La simplicité du film tient pour beaucoup du fait que les acteurs n’ont pas, ou peu d’expérience, dans le domaine du cinéma. Ainsi, le jeu n’est pas toujours juste, ni élaboré, et certaines scènes semblent être improvisées, créant une empathie presque immédiate entre l’acteur et le spectateur. La caméra elle, ne s’attarde pas beaucoup sur des gros plans, ou sur une photographie très élaborée : tout ici est fait pour faire vivre l’action des yeux d’un passant, d’un badaud qui s’arrêterait quelques instants, se demandant ce qu’il peut bien se passer.
Le drame de ce film trouve encore plus d’écho dans la mesure où un mouvement contestataire est peu à peu en train de se former, en Angleterre comme en France, et que les boucs émissaires sont les demandeurs d’emplois. Et il s’agit en partie de la raison du retour -réussi- de Ken Loach sur le grand écran, la politique des Tories, le parti conservateur anglais, se révélant être incompatible avec la retraite anticipée du réalisateur. Daniel Blake n’est après tout que l’ombre maladive de Ken Loach, un réalisateur résolument engagé auprès de la classe ouvrière, un peu grande gueule parfois mais souvent dépassé par la tournure des choses.