L’éditeur polonais Awaken Realms nous a habitués à des jeux d’excellente qualité et prenant place dans des univers aussi soignés que somptueux (Nemesis, The Great Wall ou encore l’incontournable Tainted Grail). A défaut d’impossible, mettre la barre encore plus haut en matière d’immersion semblait donc difficile et pourtant ils y sont parvenus ! Soyez les bienvenus dans le superbe (et immensément grand) monde onirique des rêves et autres songes…
Avant de fermer virtuellement nos yeux de joueurs pour sombrer dans le premier rêve que propose Etherfields, arrêtons-nous quelques instants sur son matériel. Certes, Awaken Realms nous avait habitués à du très beau matos mais disons-le d’emblée, là, ils se sont surpassés ! Avant même d’ouvrir la boîte, nous comprenons que nous nous trouvons face à un jeu qui sort de l’ordinaire. L’illustration de couverture, toute en nuances de couleurs, nous plonge déjà dans les prémices d’un étrange songe. Et la suite, la découverte du contenu, ne tardera pas à nous le confirmer. Bien sûr, il faudra digérer la frustration de ne pas pouvoir découvrir d’emblée la majorité des (très nombreuses) cartes qui composent le jeu et que l’on devine déjà splendides. Celles-ci seront dévoilées au fur et à mesure des rêves et même si cela s’avérera difficile, empêchez-vous d’y jeter un œil même furtif, votre expérience ludique n’en sera que meilleure.
En revanche, régalez-vous en découvrant la qualité de finition des figurines, la beauté presque inquiétante du plateau et les superbes illustrations des masques, des plateaux individuels et des autres éléments en votre possession. Oui, on sait, tout est magnifique et donne immédiatement envie de jouer !
Le marchand de sable est passé…
Mais alors, qu’est-ce que c’est que cet intrigant Etherfields ? Eh bien, il s’agit d’un jeu narratif et coopératif qui entraînera les joueurs dans un univers onirique au sein duquel ils traverseront plusieurs rêves. Très logiquement, ils y incarneront des rêveurs plus très sûrs de leur passé et bien décidés à lever un coin du voile sur le mystère qui les nimbe en explorant l’étrange mais fascinant monde qui s’ouvre à eux. Plus concrètement, les joueurs se déplaceront dans ce que l’on appellera le Monde Onirique. Il s’agit d’une sorte de mappemonde qui leur ouvrira la porte de différents rêves. Dès qu’ils entrent dans un rêve (comprenez une partie), ils basculent sur un autre pan du plateau principal et s’y aventurent… L’ensemble de la campagne d’Etherfields sera donc constitué de rêves entrecoupés de songes, c’est-à-dire de rêves plus courts et se résumant généralement à une rencontre mais aussi pourvoyeurs de clefs, elles-mêmes nécessaires à la découverte de nouveaux rêves.
Tout le monde est toujours éveillé ? Non, c’est parfait car nous entrons dans le premier rêve pour vous expliquer brièvement comment on joue à Etherfields. Déjà, il faut savoir que vos premiers pas dans le jeu se feront par l’intermédiaire d’un tutoriel et c’est une excellente chose car celui-ci est très bien fait et il vous donnera toutes les connaissances nécessaires à la poursuite de votre aventure. Plus concrètement, après avoir choisi d’incarner la Flambeuse, le Spécialiste, le Dur à Cuire ou l’Esprit Rebelle, les joueurs vont se retrouver dans une forêt sombre au soleil couchant sans plus aucun souvenir de qui ils sont ni de ce qu’ils sont venus chercher là. Bientôt, ils trouveront une muraille de pierre flanquée d’une lourde porte munie de trois cadenas. Il est temps d’agir…
Les joueurs vont alors pouvoir effectuer des actions, souvent en dépensant de la détermination. Parmi ces actions, il y aura les grands classiques que sont le déplacement, l’attaque ou encore le gain de ressources mais aussi les actions autorisées par le rêve himself et par vos cartes personnelles. Là, il pourra s’agir de découvrir une porte secrète, de ne faire qu’un avec les ombres ou encore d’enfiler un masque (pourquoi pas celui de la haine, de la douleur ou du chaos ?).
Rêver sa vie, c’est bien mais vivre son rêve, c’est mieux (poète, sors de ce corps !)
Voilà pour la courte introduction. Bien sûr, en termes de découverte des rêves, nous n’irons pas plus loin que l’orée de cette étrange forêt dans laquelle il semblerait que quelque chose de maléfique approche. Vous en dire plus, ce serait en effet vous gâcher le plaisir de la découverte et ce serait terriblement dommage car comme tout bon jeu narratif, Etherfields a besoin d’être découvert en cours de partie pour pouvoir être apprécié. Bien sûr (et avant tout) dans les histoires qu’il a à vous raconter – et elles sont nombreuses – mais aussi dans ses mécaniques annexes et ses twists bienvenus.
Rêvons plus grand
Etherfields étant à la base issu d’une campagne de financement participatif, de nombreux contenus additionnels sont désormais disponibles. Il y a bien sûr des accessoires (playmat, porte-cartes, etc.) mais aussi toute une série de figurines additionnelles destinées à remplacer celle du jeu d’origine au gré de vos envies.
Cela dit, à nos yeux, les contenus additionnels les plus intéressants restent ceux destinés à prolonger encore le Monde Onirique, c’est-à-dire ceux qui proposent de nouveaux rêves et de nouveaux personnages. C’est le cas de trois extensions qui prennent la forme de nouvelles campagnes ainsi que d’une mini-extension proposant un rêve inédit.
La campagne de la Sorcière Funéraire : très narrative, cette campagne vous conduira jusqu’au repère d’une sorcière à la fois tourmentée et lunatique. D’une rencontre à l’autre, son comportement et sa personnalité varieront et votre compréhension de ces changements soudains pourrait bien être la clef qui ouvrira à la sorcière – mais aussi à son entourage – la porte vers des mondes plus lumineux.
La campagne du Sphinx : dans cette campagne, vous explorerez les souterrains du Monde Onirique. Sphinx, la maîtresse des lieux, vous a en effet contactés pour que vous l’aidiez à retrouver la mémoire, à comprendre les raisons de sa captivité dans ce monde sombre et déroutant et à briser les chaines qui la retiennent prisonnière.
Les campagnes de la Harpie et de la Louve : de loin le plus riche des contenus additionnels, celui-ci propose deux nouvelles campagnes en une seule boîte. La première, celle de la Harpie, vous conduira de parades en carnavals, du marché infini jusqu’à la prison. Vous y suivrez les traces du voleur de rêves venu perturber la quiétude chimérique du Monde Onirique.
Dans la seconde, c’est à une guerre opposant deux factions que vous devrez faire face. D’un côté, les parasites tout droit sortis de la Faille Cauchemardesque et de l’autre, la Forêt Sans Fin, un havre de nature dirigé par une Louve qui refuse de déposer les armes. Trouver l’élixir de Sagesse et vaincre le Roi Elfe corrompu suffira-t-il à restaurer la paix dans le Monde Onirique ?
Kittenburg : Cette mini-extension propose un rêve inédit qui conduira les rêveurs à explorer Kittenburg, la ville des chats. Autrefois paisible et chaleureuse, la bourgade est devenue lugubre et les gangs de chats y règnent désormais en maîtres. Parviendrez-vous à restaurer le calme et à aider les chabitants ?
En conclusion
Evoquons d’abord le point qui ne souffre aucune contestation : Etherfields est un jeu absolument magnifique. Les illustrations sont sublimes, les figurines d’une rare qualité et le matériel est aussi varié que travaillé. Bref, Etherfields est un vrai régal visuel et il est tout simplement impossible de résister à l’envie de s’y plonger.
Ensuite, Etherfields est un jeu comme on en voit peu et de ce fait, il est clivant. Pour l’apprécier, il faut accepter de s’y plonger complètement, de se laisser prendre la main et de se laisser raconter une histoire. D’aucuns le trouveront lent et c’est une critique que l’on peut entendre. Pour nous, c’est justement ce côté narratif et immersif qui fait sa force. C’est sûr, il n’est pas frénétique mais il n’a justement pas besoin de l’être. Son atout majeur est avant tout le voyage ludique qu’il propose aux rêveurs et justement, son thème (le monde du rêve) s’y prête à merveille. Il s’agit en effet d’un univers qui ne connaît que des frontières floues et que l’on peut donc tordre et retordre à l’envi. Oui, il s’agit d’un jeu où l’on pourra tomber tant sur un manchot avec un chapeau que sur un enfant malicieux, une armoire maléfique ou un chasseur de perles. C’est étrange et intrigant mais en même temps, quel rêve ne l’est pas ?
Bref, Etherfields est un jeu qui nous a fait rêver et dont nous ne voulons absolument pas nous réveiller !
Etherfields, un jeu de Michał Oracz, illustré par Ewa Labak et Michał Sałata, édité par Awaken Realms et distribué par Asmodée.
Nombre de joueurs : 1 à 4 (mais nous recommandons deux rêveurs)
Âge : dès 14 ans
Durée moyenne d’une partie : 2 à 3h
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