A première vue, la nature s’oppose drastiquement au cinéma, qui est un art de construction. Selon le Larousse, la nature est l’ensemble des principes, des forces, en particulier de la vie, par opposition à l’action de l’homme. La nature se fonde alors en opposition avec l’homme. Mais est-ce si évident ?
A travers le cinéma, nous allons voir que l’homme et la nature peuvent être intimement liés. Ce lien se crée à partir d’une autre définition donnée par le Larousse : la nature est également un ensemble des caractères, des tendances, des traits constitutifs de la personnalité profonde de quelqu’un. Retour sur les différentes fonctions de la nature dans le cinéma.
Le cinéma, un art seulement artificiel ?
L’apparition du cinéma s’inscrit dans une révolution industrielle et progressiste qui caractérise la seconde moitié du XIXe siècle. Alors que les mobilités sont plus faciles grâce aux premières voitures ou même aux ballons dirigeables, l’ère est au mouvement et à la création ! La première séance de cinéma a lieu le 28 décembre 1895, et présente des dizaines de personnes qui sortent d’une usine. La nature est donc encore loin, trop primaire pour être mise en avant dans la production cinématographique. Les villes sont le centre de cette Belle Epoque, endroits de tous les rêves et progrès !
Pourtant, si l’on s’intéresse spécifiquement à la nature humaine, le cinéma prend une toute autre ampleur. En effet, le cinéma a pu exister notamment grâce aux études de deux hommes : Eadweard Muybridge et Etienne-Jules Marey. Le premier réussit à prendre des photos successives d’un cheval au galop pour les assembler et créer ensuite un mouvement continu. Le deuxième crée en 1890 le chronophotographe à bande mobile, qui permet de décomposer les mouvements humains par des photographies prises successivement. Nous n’en sommes pas encore à l’invention du cinéma, mais à ses prémices. De ce point de vue, avant d’être un art artificiel, le cinéma est un art du mouvement naturel !
Eadweard Muybridge, « Jockey sur un cheval au galop »
Etienne-Jules Marey, « Saut en longueur de l’homme en blanc«
La nature, terre de sérénité
Revenons maintenant à la nature en tant qu’opposition à l’action de l’homme. De manière évidente, la nature s’oppose au grouillement de la ville, ce qui la rapproche des campagnes. Les campagnes deviennent alors synonymes de paix et de calme, et le cinéma s’est emparé de ces endroits verdoyants. Avec ses qualités esthétiques, la nature (qui comprend les forêts, les lacs, les montagnes…) est l’endroit parfait pour créer une belle œuvre artistique ! Etre proche de la nature signifie être proche de l’essentiel, c’est-à-dire se contenter de ce qui se trouve autour de nous et le chérir.
Prenons l’exemple de Departure d’Andrew Steggall, sorti en 2015. Le jeune Elliot est dans sa maison de campagne dans le sud de la France. A de nombreuses reprises, il se promène autour de chez lui, et la nature est calme et apaisée. On entend le bruit du vent et les pas légers du garçon silencieux marchant dans les feuilles. La nature est également synonyme de poésie et de romantisme ; c’est dans les forêts qu’il fait plus ample connaissance avec Clément, dont il tombe amoureux. La nature épouse leur corps et enveloppe leur esprit, comme un cocon dans lequel Elliot se sent protégé.
Alex Lawther et Phénix Brossard dans Departure
L’homme contre les éléments
Le cinéma s’est bien des fois emparé de la nature pour la rendre menaçante et dangereuse. C’est le cas des films d’apocalypses, ou des films mettant en scène des catastrophes naturelles. L’être humain ne peut contrer la puissance de la nature, et le cinéma l’a bien compris en réalisant des films à sensation ! Des films comme Le jour d’après de Roland Emmerich, En pleine tempête de Wolfgang Petersen ou encore Deep Impact de Mimi Leder montrent une nature effrayante, indomptable et redoutable pour l’homme.
Le jour d’après (2004)
Pour autant, d’autres films montrent l’homme dompter la nature. Cette dernière devient alors une terre d’aventure, prompte à l’épanouissement spirituel de l’homme. Prenons l’exemple des films adaptés des romans de Sylvain Tesson. Sylvain Tesson est un écrivain-aventurier ayant parcouru le monde et écrit des dizaines de livres sur ses voyages. Deux de ses récits ont été adaptés au cinéma : Dans les forêts de Sibérie et Sur les chemins noirs. Dans ces deux films, la nature est certes vue comme une terre immense et indomptable, mais c’est justement ce qui en fait sa beauté. Ces endroits non construits de la main de l’homme (les rives du lac Baïkal dans Dans les forêts de Sibérie et les petits chemins français non empruntés par l’homme dans Sur les chemins noirs) sont à chérir et à préserver ! Le cinéma permet alors de sensibiliser à la beauté de la nature.
Jean Dujardin dans le film Sur les chemins noirs (2023)
Le cinéma documentaire
Par ailleurs, lorsque Sylvain Tesson a écrit La Panthère des neiges, il était accompagné de Vincent Munier et Marie Amiguet. Cette dernière a réalisé un documentaire du même nom. Les documentaires sont certainement le meilleur exemple du lien entre le cinéma et la nature. Nous nous concentrons ici sur les documentaires traitant de la nature, et non des documentaires sociologiques et anthropologiques.
Sylvain Tesson dans le documentaire La Panthère des neiges
Les documentaires permettent d’éduquer la population sur la préservation de la nature et de sa faune et sa flore. Selon la définition du Robert, ce sont des films didactiques, présentant des faits authentiques non élaborés pour l’occasion. La définition souligne le fait que les documentaires sont authentiques, c’est-à-dire qu’ils s’éloignent de l’artificialité de la fiction pour filmer le réel, donc ils cherchent la sincérité. La sincérité de ce que la nature a à offrir et à apprendre à l’être humain.
Aujourd’hui, la nature est plus présente que jamais dans nos esprits et, par extension, dans le cinéma, du fait de la crise écologique. Le cinéma est un art social, capable d’éduquer les foules et de les sensibiliser. Ses fonctions sont indispensables pour l’avenir (regardons à ce titre Don’t look up, qui a fait réagir bon nombre d’internautes par sa glaciale vérité). Le lien entre la nature et le cinéma est donc loin de délabrer !
La photographie de présentation provient du film Il était temps de Richard Curtis (2013).