S’il y a bien un style de jeu dans lequel Square Enix a su imprimer sa marque, c’est celui du RPG tactique au tour par tour. La réputation de la série des Final Fantasy Tactics n’est en effet plus à faire, tant ses représentants ont su traverser les âges et les consoles avec plus ou moins de brio. Initialement développé sur Playstation et doté de plusieurs opus sur Gameboy Advance et d’un remake sur PSP ayant permis de faire connaitre cette aventure légendaire aux plus jeunes, beaucoup oublient toutefois que FFT a connu un ancêtre, a l’origine même du système de jeu dont s’inspire la saga éponyme et dont la profondeur scénaristique pourrait faire pâlir d’envie un George Martin en manque d’inspiration pour clôturer sa propre épopée.
Tactics Ogre est sans doute le titre ayant permis au genre du tactical de prendre son envol, au Japon du moins. D’une complexité encore jamais vue à l’époque, cet opus mythique du tactical a permis de poser les bases d’un genre dont la série des FFT n’est qu’un aboutissement, plus accessible et plus soigné dans ses finitions. Publié en 1995 sur Super Nintendo et initialement co-développé par les studios Quest et, vous l’aurez deviné, Square Enix, Tactics Ogre aura connu plusieurs nouvelles vies sur Playstation, Saturn et finalement un remake complet sur PSP avant de renaître à nouveau sur nos consoles modernes sous le nom de Tactic Ogre: Reborn.
L’Ogre des temps modernes
Pour ceux qui découvriraient le titre, l’histoire prend donc place à la fin d’une guerre et au début d’une autre. Notre héros, le jeune Denam Pavel, vit sur l’île de Goliath au large des côtes des îles Valeria, la province dans laquelle prend place notre épopée. Issu du clan des Walister, vaincu lors de l’incursion des forces du Hiérophant Barbatos à la tête du royaume Galgistani, Denam fait partie des membres de la résistance, cantonnée sur Goliath après la victoire écrasante des Galgistani. Le petit groupe se remet à peine d’une attaque foudroyante des chevaliers noirs de Lodis, menés par leur champion Lanselot Tartaros, ayant mené à la mort, à la capture ou à la disparition d’une bonne partie de la famille du petit groupe, dont le père de Denam.
On pourrait encore évoquer le Saint empire de Bakram ou encore le fondement de l’empire de Valeria ayant eu lieu quelques dizaines d’années auparavant mais ce serait épiloguer trop longtemps pour arriver là où nous voulons aller : le scénario tentaculaire de Tactis Ogre est probablement l’un des plus complexes et profond ayant été conçu, à une époque où le jeu vidéo était encore une industrie balbutiante. Mélange de complexité politique et d’une suite d’alliances et trahisons menant à des questions humaines parfois moralement instable, le tout saupoudré d’une pincée de fantasy et de magie, cette profondeur et cette volonté de développer une intrigue à plusieurs niveaux de lecture ont contribué au succès du jeu et à son entrée dans la légende.
Véritable Game of Thrones de son époque, Tactics Ogre: Reborn vous demandera certainement de relire à plusieurs reprises les entrées du codex afin de bien comprendre tous les enjeux du conflit au sein duquel votre groupe de combattant évoluera.
Toutefois, si le scénario se veut complexe, la mécanique de jeu reste quant à elle relativement simple. Enfin, façon de parler… Comme tout système demandant une bonne prise en main, il conviendra pour le tacticien réfléchit, de passer un certain nombre d’heures dans le menu d’armée afin d’intégrer les tenants et les aboutissants de chaque personnage, son rôle sur le champs de bataille et bien sûr d’optimiser son équipement et ses compétences sur le terrain.
On retrouve donc ici un système de classes modifiables à l’envie, chaque soldat apprenant des compétences spécifiques en fonction de sa classe et de son équipement : un guerrier spécialiste du marteau à deux mains apprendra des techniques différentes de son homonyme équipé d’une simple épée courte et d’un bouclier. Chaque classe et arme offre ainsi sa sélection de sorts et de compétences actives ou passives qu’il vous faudra équiper avant de partir au combat, un choix qui devient rapidement cornélien face à la multitude de possibilités offertes par le jeu. Chaque soldat ne peut effectivement équiper au maximum que 4 objets, 4 compétences et tout autant de sorts.
Tout est fait cependant pour simplifier la compréhension et faciliter la vie du joueur. Les menus, connus à l’époque de la publication initiale de Tactics Ogre pour n’être qu’un enchevêtrement labyrinthique de panels de textes, s’enchaînent désormais rapidement, avec la possibilité de comparer et de changer de fenêtre en un clic.
Plus question également de rester bloqué avec trois soldats inutiles ou presque de la même affinité élémentaire ou de la même fonction : chaque personnage est personnalisable à l’envie, avec la possibilité d’utiliser des objets spécifiques pour changer de classe, de compétences ou même d’élément pour répondre au mieux aux besoins du combat suivant.
Même chose du côté de l’équilibrage des batailles. En fonction de l’avancement dans l’histoire, le niveau maximum de vos soldats sera limité à un certain pallier, l’expérience supplémentaire acquise lors des affrontements étant transformés en Charmes d’Expérience pouvant être utilisé pour ajuster le niveau des unités qui pourraient présenter quelques difficultés à suivre le rythme.
De la même façon, vous aurez la possibilité de participer à des combats d’entrainements permettant de gagner « gratuitement » l’expérience nécessaire pour permettre à vos unités les plus faible de rattraper leurs comparses béhémoths.
Tac & Tics, rangers du risque
Au niveau des combats, Tactics Ogre: Reborn offre tout le plaisir de ses environnements en 2D isométriques, parcourables à l’envie grâce à une caméra agile et modifiable. Les effets visuels des sorts ont été retravaillés pour offrir un spectacle d’ombres et d’effets de lumière ponctuant le rythme des affrontements.
On regrettera légèrement le manque de praticité du jeu à la souris et la comparaison s’impose forcément avec des titres plus anciens où le simple fait de cliquer dans le vide permettait de recentrer la caméra sur son personnage et d’ouvrir son menu contextuel. Ici chaque case dispose d’une description spécifique, le terrain influençant sur la précision des attaques au corps à corps et à distance, offrant un douloureux manque de fluidité à certaines phase de préparation.
Ce n’est toutefois qu’un faible inconvénient face au plaisir de chaque bataille, la complexité de certains combats, même revu à la baisse, demandant un véritable travail cérébral pour permettre d’exploiter tout le potentiel de chaque combattant.
Le système de Tarot associé au jeu fournit ici encore une agilité mécanique permettant de remonter le cours du temps pour changer le cours de la bataille. Une facilité utilisable un nombre de fois limitées mais qui permettra de gommer un instant d’inattention, un sort mal ciblé ou encore de partir sur une alternative plus attrayante à long terme.
Le Tarot ne se limite pas à cette simple roue et vous pourrez apercevoir au cours du combat des cartes apparaitre sur le terrain, qui fourniront aux combattants des buffs temporaires (cartes bleues) voire des améliorations de stats définitives (cartes vertes). Un personnage ne peut détenir que 4 cartes bleues en même temps mais ces améliorations significatives peuvent littéralement retourner le cours de la bataille.
Tactics Ogre resplendit donc ici dans une toute nouvelle version, plus simple, loin d’être accessible au néophyte qui chercherait qu’un divertissement sans ambition logistique mais qui s’offre ici un coup de peinture appréciable pour rendre plus que jamais son expérience appréciable par tous. Un changement qui permet d’apprécier à nouveau pleinement sa mécanique impeccable et son scénario sans failles.