Troisième opus de la nouvelle série de Yoko Taro (Drakengard et Nier / Nier : Automata) publiée à la vitesse de l’éclair, Voice of Cards : The Beasts of Burden fait son apparition sur le marché environ un an après la révélation de The Isle Dragon Roars. Fidèle à son principe, cet opus vous proposera d’incarner un personnage jeune et haut en couleur dans un univers dramatique, sous la forme d’un tabletop utilisant cartes, dés et pions en tout genre pour vous faire vivre son histoire.
Si l’on peut apprécier le concept derrière cette série de Square Enix, il convient toutefois de se demander si le dernier né de Yoko Taro vaut réellement le détour compte tenu du rythme de production élevé de la série.
Écartons donc tout de suite le point le plus évident : le scénario. Au même titre que The Forsaken Maiden, The Beasts of Burden ne se veut pas être une suite directe de ses prédécesseurs et prend place dans un autre monde. Vous incarnez donc Al’e, une jeune fille de 14 ans vivant dans un village souterrain en proie aux attaques permanentes de monstres de plus en plus belliqueux.
Sans grande surprise, cette montée en violence se termine inévitablement par la destruction du village, laissant la jeune fille pour seule survivante, sauvée in-extremis par un jeune homme sorti de nulle part. Motivée par son désir de vengeance contre les créatures ayant détruit tout ce à quoi elle tenait, Al’e va se lancer dans une quête à travers le monde pour éradiquer toute présence des monstres et assurer que sa situation ne se reproduise jamais.
Si The Forsaken Maiden proposait un ton résolument plus ésotérique et mature que le premier opus de la saga, ce troisième épisode met directement les pieds dans le plat et lance le joueur dans une tragédie, assaisonnée de quelques moments d’innocence et d’humour attendrissants liés à la découverte du monde et de ses mystères par votre personnage principal.
Fidèle à son habitude, Yoko Taro propose une histoire volontairement simple en apparence pour ensuite s’enfoncer dans les thèmes provocateurs qui lui sont chers et le monde de The Beasts of Burden révèle rapidement ses dessous pour embarquer le joueur dans une aventure vouée à évoluer vers une tragédie héroïque avec, dans la balance, le destin du monde bien sûr.
On retrouve toutefois une progression quasi similaire à cette des opus précédents. Ici, les monstres primordiaux remplacent les autels des Maidens et si la conception des donjons et de l’histoire tente de vous jeter un peu de poudre aux yeux, on identifie assez rapidement le pattern assez classique, du PMD (Porte-Monstre-Donjon), entrecoupé de morceaux de scénarios. Rien qui soit rebutant toutefois pour les amateurs du genre, Voice of Cards se voulant naturellement dirigiste avec sa thématique de jeu de société aux règles bien définies.
Al’e Chasseuse de Cartes
Les mécaniques de jeu justement parlons en : il était à craindre avec un rythme de production aussi rapide une certaine redondance dans le gameplay et Voice of Cards n’y échappe malheureusement pas.
The Beasts of Burden essaie cependant d’innover, ce que faisait difficilement son prédécesseur. Le peuple souterrain d’Al’e dispose en effet d’un pouvoir unique, celui de soumettre les monstres et de les enfermer dans des cartes pour les invoquer par la suite en combat (je vous demande un instant, j’ai laissé ma collectionnite sur le feu).
Les monstres ainsi capturés deviennent alors des cartes de « Skills » dans votre inventaire que vous pourrez attribuer à n’importe quel personnage, au lieu du classique apprentissage par montée de niveau qui vous permettra plutôt d’apprendre des talents passifs permettant de spécialiser vos personnages.
Chaque carte monstre dispose ainsi d’un niveau, de 1 à 5, qui déterminera la puissance de la compétence lors de son invocation. Le loup de niveau 1 inflige ainsi 7 points de dégâts, peu importe la défense de votre adversaire, tandis que celui de rang 5 en inflige 12. Inutile toutefois de chercher à faire évoluer vos compétences, la seule manière de faire progresser vos cartes étant d’en attraper une de niveau supérieur.
Et c’est là que le bât blesse. On aurait pu espérer à ce niveau une petite mécanique pour diversifier les affrontements et permettre au joueur d’orienter un peu son jeu. Il n’en est rien. Les cartes de monstres sont un loot aléatoire pouvant tomber à la fin des combats, au même titre que des objets plus classiques comme des Salves ou des antidotes.
Imaginez votre frustration en affrontant un monstre un peu plus rare dans un donjon, de voir trois cartes trésor sortir et de ne récupérer qu’une bombe fumée (permettant de fuir le donjon) quand les deux autres proposaient des cartes du dit monstre.
Les speedrunners invétérés et autres fans de faire le jeu en ligne droite n’y verront sans doute qu’un coup du sort mais cette petite frustration peut rapidement se faire sentir en cas de répétition (et répétition il y eu lors de ce test !). Un bel effort donc pour diversifier le jeu mais qui aurait certainement nécessité un petit peu plus de réflexion ou de temps dans son application
Il faut toutefois rendre à César ce qui lui appartient. La direction artistique du jeu, même si égale à celle des premiers opus, reste de toute beauté. Le design des cartes fourmille de détails et on prend un véritable plaisir à découvrir de nouveaux monstres ou personnages.
La musique, dirigée par Keiichi Okabe et composée par Shotaro Seo et Oliver Good, prend ici également beaucoup plus de place. Si The Forsaken Maiden visait à accompagner son joueur dans une ambiance éthérée, The Beasts of Burden établit rapidement sa présence et propose un accompagnement beaucoup plus musclé et épique, en ligne avec les ambitions plus sombres du scénario.
En résumé, Voice of Cards : The Beasts of Burden reste un très bon jeu narratif, accompagné par Carin Gilfry en anglais et par Yui Ishikawa en version japonaise. Les fans de la série pourraient regretter l’absence de changements vraiment impactant dans les mécaniques de jeu mais le plaisir du scénario et l’ambiance restent, quant à eux, intacts.