La délivrance du Royaume revient… Va falloir songer à finir le boulot cette fois-ci.
Souvenez-vous, Henry le fils du forgeron (aucun lien) était dans sa prime jeunesse un jeune homme insouciant, préférant courir la gueuse et partager son outre avec ses camarades que marteler de la ferraille avec son paternel. Mais, souvenez-vous encore, il a bien vite été rattrapé par un vilain roi conquérant qui se voyait bien faire de la forge familiale et du pays autour, un verdoyant verger…
De culs-terreux fraîchement devenu orphelin, Henry est sorti de l’ornière pour devenir palefrenier d’un seigneur local, le Sieur Hans Capon, qui se veut flamboyant, mais qui s’avère plutôt agaçant…
Vous reprenez les rênes de la vie de Henry alors que sa situation s’apprête… à tourner mal à nouveau. Vous portez la poisse, vous les joueurs aussi…
Vous allez livrer un message en belle livrée, avec votre seigneur et maître, et une petite troupe à laquelle vous n’allez pas avoir le temps de vous attacher. Le but est de trouver de nouveaux alliés autant que d’éviter que Sigismond, le mec d’en face, ne face copain-copain avec trop de monde. Vous vous faites attaquer par des brigands sacrément bien armés et bien entraînés. Comme c’est bizarre. En quelques instants et suite à une succession de péripéties, vous vous retrouvez séparé de votre ami (et maître). Votre escouade balayée, vous faites une mauvaise chute qui vous ôte, avec la précision d’un neurochirurgien, vos aptitudes durement acquises dans le premier volet. Les méchants se chargent de vous ôter tout le reste. C’est un nouveau patelin (la carte est annoncée comme deux fois plus grande que dans le premier), donc votre réputation ne dépend de rien d’autre que de vos frusques et de vos actes.Ce ne sont que les premières minutes d’une longue quête dont, pour tout vous avouer, je n’ai pas encore vu l’issue, mais qui vous tiendrons en haleine de nombreuses heures. Même en rushant la quête principale, vous ne descendrez sans doute pas en dessous des 40h, et vous dépasserez probablement les trois chiffres sur votre temps de jeu quand vous verrez les crédits de fin, si j’en crois How long to beat. On reconnaît des noms entendus dans les cours d’histoire (enfin, si vous venez d’une région un peu germanique sur les bords), on reconnaît des blasons… Je ne suis pas historien, je ne me prononcerai pas sur la véracité historique, mais on a l’impression d’y être. On se souvient de la citation de Martin qu’il voulait faire de Game of Thrones une tranche de Moyen âge avec les mouches et les poux. On y est ici. Les dragons et autres zombies de glace en moins. Ce qui ne veut pas dire que les gens ne croient pas au surnaturel.
Je me réserve le droit de modifier ce test à mesure que j’avancerai dans le jeu et que le jeu avancera, de patch en patch. Si un jeu en chasse l’autre dans le planning, celui-ci est parti pour me trotter dans la tête et occuper une place sur mon SSD pendant longtemps.
Lutain, c’est beau !
Techniquement, le jeu tourne sur CryEngine, le moteur de Crysis. Pas de raffinements extraordinaires à base de Raytracing, mais un moteur particulièrement bien optimisé qui tourne très bien, même sur des configurations vieillissantes si j’en crois les tests. Les performances sur consoles sont aussi, très logiquement, satisfaisantes. J’ai personnellement testé le jeu sur Serie X. Le jeu est fluide, mais n’évite toutefois pas quelques chutes de framerate. Si le jeu est nettement moins bugué que le premier volet à sa sortie, on est encore assez loin d’une situation idyllique. Les effets sont parfois ratés. La pluie surtout, en plus de tomber par moment à l’intérieur des bâtiments. Mais surtout, on est soft lock assez régulièrement. Souvent quand on essaie de sauvegarder. Et quand on sait que le jeu limite les sauvegardes, on y reviendra, il arrive de perdre une heure de jeu. Légèrement frustrant.
Par contre, la direction artistique légèrement exagérée au niveau de la saturation, un peu en mode Witcher 3, mais restant très réaliste, rend le jeu très agréable à l’œil. Bien que la végétation soit un peu plate, on a vraiment l’impression de se balader dans les champs ou en forêt avec des touches de Taïga, un sorbier perdu entre les bouleaux qui donne envie de cueillir quelques fruits… Mais vous ne pourrez récupérer que quelques types de plantes pour vos potions. Elles ne sont pas mieux (ou plutôt pas moins bien) modélisées que les autres parts de la végétation, ce qui peut poser quelques problèmes, nous le verrons. De plus, non seulement c’est très beau, mais en plus c’est un grand monde ouvert. Excusez du peu.
![ss_27e006df1aef43380ae7db0d0b08538b26b49daa.1920x1080 [Test Xbox Series X] Kingdom Come Deliverance II](https://i0.wp.com/www.conso-mag.com/wp-content/uploads/2025/02/ss_27e006df1aef43380ae7db0d0b08538b26b49daa.1920x1080.jpg?resize=1920%2C1080&ssl=1)
L’ambiance sonore participe également au sentiment d’immersion. C’est irréprochable. Les développeurs ont dû passer pas mal de temps à enregistrer des sons dans la forêt, dans des forges et des duels de chevaliers en armure (chacun occupe ses weekends comme il veut). Dans le cas contraire, les banques de sons ont vraiment bien progressé ces dernières années.
Si l’ambiance sonore est très réussie, le doublage français vous fera vite passer le jeu en Anglais (ou n’importe quelle autre langue de votre choix, mais le doublage anglais est très bon). On peut très facilement basculer entre les langues qui sont téléchargées en tâche de fond, même sur console. Bien conscients des errances du doublage français désastreux, les développeurs font enregistrer de nouveaux dialogues en ce moment même. Soyez patient. Il y a beaucoup à faire. Le consensus de la presse et de la communauté est que les pauvres acteurs n’ont pas été dirigés. Peut-être. Mais un acteur qui double comme ça, même sans direction, devrait remettre en question ses choix de vie. On se croirait dans un mauvais dessin animé ou une production AB des années 90 dans lesquelles on prenait les premières personnes qui passaient dans le couloir pour leur faire jouer une scène aléatoire sans plus de direction que de texte ou de talent. Vu que l’anglais est très bien doublé et que certains personnages ont un doublage satisfaisant en français également, je trouve que l’absence de direction a peut-être le dos un peu trop large… Le résultat est le même néanmoins. Si vous voulez jouer avec les doublages français, attendez et suivez l’actualité du jeu avant de vous y mettre.
Un mot sur le Level Design : le monde est très cohérent, avec des petits villages et ses bornages biscornus entre voisins bornés, des maisons isolées, voire abandonnées, et des villes (une vraie grande ville), tous très crédibles. Les châteaux fort sont là où ils doivent être, ils ressemblent à ce qu’ils doivent être. Les commerçants ont des relations logiques entre eux. Les PNJ donnent l’impression d’avoir une vie et des interactions entre eux. Ce monde semble exister. Encore une fois, l’immersion est le maître mot.
Lutain, c’est chaud !
![ss_935ddb59f90bc2c21c706132cb9b446fe7851c19.1920x1080 [Test Xbox Series X] Kingdom Come Deliverance II](https://i0.wp.com/www.conso-mag.com/wp-content/uploads/2025/02/ss_935ddb59f90bc2c21c706132cb9b446fe7851c19.1920x1080.jpg?resize=1920%2C1080&ssl=1)
Un autre maître mot: la complexité. Les systèmes de jeu gèrent un nombre de paramètres assez phénoménal. Mais commençons par évacuer les problèmes principaux.
Le système de sauvegarde a été conservé. Et ce n’est vraiment pas une bonne chose. Les développeurs ont voulu éviter le save scum. C’est-à-dire faire des tas de sauvegardes, et recharges rapides, jusqu’à réussir un passage qui repose sur une certaine adresse ou, le plus souvent, sur un coup de chance.
Pour cela, la méthode de sauvegarde de base repose sur un consommable, le schnaps du sauveur, qui vous rendra légèrement guilleret, voire complètement saoul si vous en abusez. Évidemment vous devez le crafter (ou l’acheter, mais l’argent est rare, surtout en début de parties, vous savez, là où on meurt beaucoup). Alors vous sauvegardez rarement. Et on le verra plus bas, c’est dommage, parce que le jeu est assez impitoyable. Vous perdrez des heures de jeu, en plus de celles liées aux bugs comme vu plus haut, à cause de ce système de sauvegarde. Il y a heureusement d’autres façons de sauvegarder, notamment dormir dans un lit dans lequel vous êtes autorisé à dormir. Je n’ai pas essayé de reproduire un bug, parce que je ne suis pas maso, mais évitez de choisir « dormir et sauvegarder » quand vous êtes surchargé parce que vous avez passé une journée à la forge et que le forgeron qui vous rachète votre stock habituellement a interrompu les négociations parce qu’il était 20h et que c’était l’heure de la soupe. Les PNJ ne faisaient pas d’heures supp’ au Moyen Age. Vous allez vous retrouver totalement incapable de faire quoique ce soit d’autre que bouger la caméra. Ça m’est arrivé bien trop souvent pour ne pas le mentionner.
Une sauvegarde automatique se déclenche également lorsque vous franchissez certaines étapes importantes d’une quête. Mais on peut passer beaucoup de temps sur les routes sans trop avancer dans les quêtes… Et enfin, vous pouvez tricher un peu et choisir « sauvegarder et quitter ». Quand vous relancez la partie, cette sauvegarde n’est pas écrasée. Donc, si vous le souhaitez, vous pouvez quand même faire du save scum. Échec total donc. Le jeu est frustrant en raison des pertes de temps de jeu en raison de son système de sauvegarde qui ne vous protège pas d’un bug ou d’une mauvaise rencontre (et le moindre mob constitue une menace sérieuse) tout en ayant que très peu d’impact sur le save scum, si ce n’est un retour au menu principal qui prolonge juste un peu l’attente entre deux tentatives.
Si le moindre mob constitue une menace sérieuse, c’est aussi parce que le système de combat est toujours aussi mal fichu, ou presque. Alors certes, le système de ciblage a été amélioré. Certes, on a des indicateurs visuels clairs du moment où parer. Certes ces deux ajouts sont (très) salutaires. Mais ça reste dans le fond pas bien fascinant. Comme dans les Elder’s Scrolls, vous devrez bouger souris ou stick en fonction du coup que vous voulez donner. Avec le même flottement dans les contrôles. Sans avoir l’impression que vos coûts font bien mal, surtout face aux ennemis bien équipés. Entre sac à PV, animations claquées, armes en mousse, c’est tout simplement désagréable à jouer et j’ai souvent préféré éviter la confrontation. Modernité du XVᵉ siècle oblige, vous aurez toutefois un peu plus de raffinements technologiques que dans le premier, y compris de terrifiantes armes à feu. Enfin… des prototypes chelous et très early. On est loin du mini-gun.
Autres défauts, sur les mini-jeux cette fois, et surtout le crochetage. Ni fait ni à faire. Ouvrir une porte sans clé est un enfer. Vous devez précisément suivre une ligne invisible dans le bon timing en tournant le crochet. Suivez le conseil de Karadoc: on ne crochète jamais une serrure sans la clé, c’est trop risqué. Autre problème, vous vous souvenez du moment où j’abordais la végétation plus haut ? Le mini-jeu de confection de potion est très bien et donne l’impression d’y être quand vous posez votre livre de recettes dans l’atelier d’alchimie et que vous broyez vos plantes (immersion). Mais la cueillette, mes aïeux, c’est une autre tisane… Vous aurez toujours un ingrédient plus rare que les autres. Bon courage pour trouver de la consoude au milieu des chardons, repérer de la parisette ou de la belladone au milieu de la forêt. Heureusement, on peut en acheter. Mais encore une fois, l’argent est rare dans le jeu. À peine moins que les apothicaires…
Maintenant les points positifs. On retrouve l’immersion d’un Skyrim, vous courez, vous devenez meilleur à la course, vous crochetez une serrure, vous devenez meilleur en crochetage (enfin, j’imagine, parce que moi, je suis toujours aussi nul…). Bref, vous gagnez de l’expérience spécifiquement pour chaque tâche que vous effectuez. Vous avez quand même des points de compétence à dépenser à mesure que vous montez de niveau, mais ils ont une importance toute relative. Il s’agit plus de perks, plus ou moins intéressantes en fonction du niveau que vous atteignez, mais aucune ne m’est apparue comme transfigurant l’expérience de jeu. Une montée de niveau sera le plus souvent parfaitement transparente. À tous les niveaux.
Ce qui n’empêche pas le fait que les systèmes imbriqués sont extrêmement nombreux et complexes. Vous pouvez tomber et vous casser un truc, mourir d’une hémorragie. Tomber d’inanition ou au contraire vous débrouiller avec un malus parce que vous avez trop mangé. Ou encore être bien malade, voire mourir, parce que vous avez mangé un truc avarié. Tout n’est pas évident et on est parfois surpris de voir jusqu’où va le jeu. N’escomptez pas vous balader chez les gens pour vider les coffres en toute tranquillité. Si vous entrez dans une zone privée d’un habitant ou vous entrez dans un magasin en dehors des heures d’ouverture vous êtes chassé manu militari. il peut même être fait appel à la garde qui pourra vous contraindre à différentes sanctions, du pilori à la peine de mort en passant par le marquage au fer rouge qui vous frappera d’une infamie avec laquelle vous devrez composer jusqu’à la fin du jeu. Tous ces systèmes combinés apportent une profondeur de jeu vertigineuse et il y a quelque chose de fascinant, qui rappelle un peu ce sentiment qu’on peut ressentir dans un autre grand jeu un peu cassé sorti récemment : STALKER 2.
Le jeu est en outre très bavard, mais bien écrit, avec une pointe d’humour (qu’on aime ou pas le genre). Les conversations sont particulièrement bien fichues à mon humble avis. Là encore on est face à un système très fluide et j’ai l’impression que le contenu des conversations varie en fonction de votre réussite ou d’un échec à un jet de dés invisible. Un échec aboutira à une réponse un peu foireuse, dans laquelle vous vous contredisez par exemple. Une réussite donnera lieu à une réponse qui semble réellement convaincante. Je ne sais pas dans quelle mesure ça fonctionne, mais j’ai personnellement été bluffé du résultat. On n’est pas sur la poésie et la qualité d’écriture d’un Disco Elysium, mais c’est une fois encore très cohérent. Et encore une fois très immersif.
Bon ben… j’y retourne!
![ss_b863918a1655050ee6200846cf8abb71137fa13e.1920x1080 [Test Xbox Series X] Kingdom Come Deliverance II](https://i0.wp.com/www.conso-mag.com/wp-content/uploads/2025/02/ss_b863918a1655050ee6200846cf8abb71137fa13e.1920x1080.jpg?resize=1920%2C1080&ssl=1)
Vous l’avez compris, j’ai été confronté à pas mal de soucis techniques, de choix qui ne m’ont pas pleinement convaincu et beaucoup de choses m’insupportent dans ce jeu, mais impossible de décrocher et l’achat est fortement recommandé si vous appréciez les jeux de rôle, l’histoire, ou vous immerger dans un autre monde… Oui. On peut largement le recommander ce jeu, malgré son positionnement visant plutôt les core gamers et rôlistes expérimentés. Même si sa longueur vous effraie : lancez-vous.
Là où le jeu brille, il brille très intensément. Il prend des risques d’apporter de la complexité là où on nous habitue à des expériences sans frustration, le jeu ne nous dit pas « non non part pas, regarde je vais rendre les ennemis moins fort et te mettre de la peinture jaune ». Il nous dit « C’est comme ça. Casse-toi si t’aimes pas ». Mais on reste. On peste contre les consommables qui se périment trop vite dans sa besace, contre les chausses qui s’usent trop vite en marchant dans les champs, contre les ennemis qui nous terrassent alors qu’on n’a pas sauvegardé depuis plus d’une heure et quelque part on tombe en adoration devant les développeurs qui ont prévu tous ces détails. A chaque partie on voit de nouvelles choses, on comprend de nouveaux mécanismes et on est à chaque fois plus impressionné. On ne fonce pas tête baissée, on loupe des opportunités parce qu’on les estime trop risquées. On assume qu’on ne vise pas droit, on prend conscience de ses faiblesses. Qu’on pue le chacal quand on ne s’est pas lavé depuis trois jours, et qu’on nous le fait bien comprendre. Que même le plus beau costume, s’il est mêlé de sueur, de sang et de boue fera que même les plus crasseux des pécores vous mépriseront. Que jouer les noblions avec des loques fera de vous la risée d’un village. Qu’on est qu’un homme et pas un demi-Dieu.
Bref, on vit.