Il n’y a pas si longtemps, Lucky Duck Games nous invitait sur un vieux plateau de cinéma infesté de communistes (pour les patriotes) ou de patriotes (pour les communistes). Nous avions tellement aimé nous trahir et nous retrahir (on sait, ce mot n’existe pas) que nous avons décidé d’explorer les autres titres et les autres époques proposés par l’éditeur…
Dans leur format livresque du plus bel effet, les jeux de la collection Dark Cities (Facade Games et Lucky Duck Games) mettent en lumière une ville à une année charnière de son existence et s’il y a quelque chose à retenir de ce voyage spatio-ludico-temporel, c’est que parmi les traits de caractère qui ont toujours façonné l’espèce humaine, la trahison, la mesquinerie et le mensonge tiennent une place particulière !

Salem 1692
Ce qu’il y avait de bien du côté de Salem aux alentours de l’année 1692, c’est que l’on n’avait jamais froid. Une empoisonneuse par-ci, une rousse innocente par-là, il y avait toujours, au coin des rues, un petit bûcher amical prêt à réchauffer les cœurs hostiles. Il faut dire qu’à l’époque, on avait le craquage d’allumette facile et c’est bien sûr dans cette ambiance de chasse aux sorcières que nous plonge Salem 1692.
Il aurait été facile de dire que Salem 1692 est un Loups-Garous like et en quelques sortes, c’est ce qu’il est puisque les parties seront émaillées de phases de jour pendant lesquelles les puritains tenteront de brûler des sorcières et de phases de nuit pendant lesquelles les amatrices de sabbat élimineront un puritain. Mais ce serait aussi un affreux raccourci car Salem 1692 est bien plus que cela. Déjà, les rôles y sont susceptibles d’évoluer puisqu’il suffit qu’une carte Sorcière soit passée dans votre main à un moment de la partie pour que vous deveniez un membre de la Confrérie. Ensuite, tout le sel (et le soufre) du jeu résidera dans les cartes que les joueurs piocheront et joueront devant eux ou devant un autre joueur. Accusations, preuves, alibis, chat noir, bouc émissaire ou encore pilori, chacune aura un effet qui viendra pimenter la partie et peut-être mettre un peu d’huile sur un bûcher qui n’en demandait pas tant…


Tortuga 1667
Après le feu, l’eau et après l’odeur de sorcière brûlée, celle des doux embruns cupides. Car oui, vous l’aurez deviné, Tortuga 1667 fera de vous un pirate ! Et même plutôt un corsaire car si vous êtes avide de trésors, vous êtes aussi loyal à votre terre d’origine et c’est bien aux caisses de votre monarque que vous destinez tous les trésors que vous raflerez sur le galion espagnol qui mouille au large de Tortuga…
Fidèle à l’esprit de la collection Dark Cities, Tortuga 1667 est lui aussi un jeu à rôles cachés. Certains corsaires seront fidèles à la couronne de France tandis que d’autres seront dévoués à l’Empire britannique. Et bien sûr, sans se dévoiler, tout ce beau petit monde cherchera à mettre un maximum de trésors du côté de son drapeau. Pour cela, chaque joueur aura un rôle en fonction de l’emplacement de son pion sur le bateau (capitaine, second ou mousse) et pourra jouer toute une série d’actions allant d’abandonner un membre de l’équipage sur Tortuga à déplacer des trésors d’une cale à une autre en passant par l’appel à une mutinerie. Bref, de la suspicion, des trahisons et même un peu de scorbut !


Bristol 1350
Du scorbut à la peste, il n’y a qu’un pas et nous le franchissons avec l’allégresse de la santé chancelante pour clore notre remontée dans le temps. Celle-ci nous conduit dans le sud-ouest de l’Angleterre et plus précisément dans la jolie bourgade de Bristol en 1350. Eh oui, en pleine période de peste noire et de fête aux bubons. D’ailleurs ne serait-il pas temps de fuir la ville et son atmosphère pestilentielle ?
Dans Bristol 1350, les joueurs vont être répartis dans trois différents chariots lancés dans une course folle pour quitter la ville avant que la mort ne les rattrape. Au début de la partie, tout le monde est plus ou moins sain mais à chaque tour, les impitoyables dés pourraient bien obliger les occupants de certains chariots à accumuler les cartes symptômes, augmentant ainsi leur chance d’attraper la peste. Et bien sur, comme les cartes symptômes demeurent secrètes, il faudra à nouveau vous méfier de tout le monde. Pourquoi pas en sautant dans le chariot qui vous précède ou en poussant sans vergogne du vôtre un de ses occupants ? A moins que vous ne souhaitiez jouer une carte remède à base de sangsues ou de pommes d’ambre ?


Notre avis
Au sein de la rédaction, les jeux de la gamme Dark Cities sont des incontournables dès lors que nous choisissons de nous tourner vers des jeux à rôles cachés. Toujours originaux dans leur thématique, ils dépassent largement le simple cadre du « guess who » en proposant des mécaniques innovantes et en nous confrontant à de vrais choix stratégiques. Quelle que soit la boite choisie, ils sont la promesse infaillible de parties animées, de regards suspicieux, de petites trahisons et de grands cris outrés.
De plus, au-delà de leurs qualités ludiques intrinsèques, il faut souligner le superbe travail d’édition qui entoure la gamme. Dans leur très réussi format livre, chaque jeu cache un matériel de haute qualité (coucou les tapis en néoprène de Bristol et de Tortuga). Et ce, sans même parler des illustrations qui collent parfaitement aux thèmes et qui participent pleinement à l’immersion.
Enfin, et cela peut sembler un détail mais nous lui avons trouvé une belle importance : les jeux de la gamme Dark Cities cherchent à demeurer fidèles à l’histoire de la ville qu’ils présentent et au thème qui lui est associé. De cette façon, dans Salem 1692, chaque joueur sera invité à incarner une des figures emblématiques des procès qui ont secoué la ville (du gouverneur du Massachussetts aux femmes condamnées en passant par les jeunes filles qui les avaient accusées). Dans Tortuga 1667, les joueurs incarneront des pirates ayant réellement existé et dans Bristol 1350, outre une courte histoire de l’épidémie reprise dans le livret de règles, les remèdes des cartes sont effectivement ceux que les gens de l’époque utilisaient (et donc oui, on pensait vraiment que frotter un poulet sur des bubons infectés pouvait sauver le malade. Spolier alert : ça ne fonctionnait pas très bien).
Bristol 1350, Tortuga 1667, Salem 1692 et Hollywood 1947, des jeux de la gamme Dark Cities édité par Facade Games et par Lucky Duck Games pour les versions francophones.
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