Petites précisions terminologiques tout d’abord Like a dragon: infinite wealth, s’appelle Ryu ga gotoku 8 au Japon. La série Ryu Ga Gotoku était connue en occident sous le nom de Yakuza. Il s’agit donc de Yakuza 8, qui fait suite à Yakuza : Like a dragon qui aurait dû s’appeler Like a Dragon : Like a Dragon. Mais on ne va pas l’appeler comme ça, parce que c’est nul. Par contre on va se réserver le droit de parler de Yakuza 8 dans la suite de cet article, même si il ne s’agit pas de son nom officiel.
Le changement d’appellation se justifie par les évènements présentés lors du précédent volet dans lequel deux des principaux clans se sont retrouvés dissous, ce qui pose la très épineuse question de la reconversion des Yakuzas dans ce volet.
En effet, après avoir quitté leur clan, les ex-Yakuzas font l’objet d’une période probatoire pendant 5 ans en général (il s’agit d’ordonnances locales prises par les préfectures à compter de 2010 renforçant les lois antigang et de lutte contre le blanchiment au début des années 1990). Ces ordonnances empêchent notamment les ex-Yakuzas de détenir des comptes bancaires. Si l’on ajoute l’ostracisation au sein du travail, les reconversions dans un travail légitime d’ex-Yakuza seraient de … 2% en 2018 contre 33% en 1974 (No Way Out: The Dilemma of Japan’s Ex-Yakuza | Nippon.com).
Vous reprenez le rôle de Ichiban Kasuga, un de ces anciens Yakuzas qui a réussi à décrocher un job dans une agence pour l’emploi locale. Ichiban a été élevé dans un Soapland (maison close de luxe au Japon) par des prostitués après avoir été abandonné. Ichiban est un bon gars. Il fait son possible pour trouver du travail à d’anciens confrères qui se retrouvent désœuvrés. Il essaie d’être discret. Mais il se fait vite rattraper par des Youtubers « justiciers » et perd son job, entraînant avec lui ses amis les plus proches.
Pré-requis
Le pitch vous a plu ? Vous ne connaissez rien à la série ? Il va falloir reprendre les bases… Il me semble extrêmement difficile de recommander ce volet comme point d’entrée dans la série. Et il ne suffira pas de faire le 7ème volet qui pourtant se présentait comme une excellente initiation à la série en introduisant Ichiban en nouveau héros et en faisant table rase du passé.
En effet, sur la jaquette, outre le 8 qui tombe pour faire apparaître le symbole de l’infini, on a connu plus inspiré, on voit le héros traditionnel de la série : Kasuma Kiryu. Pour cerner le ténébreux personnage, il semble difficile de ne pas faire au moins Yakuza Kiwami.
Et pour comprendre comment il débarque dans cet arc narratif, il est aussi utile de faire Like a dragon gaiden : the man who erased his name. Le jeu est heureusement plus court malgré son titre à rallonge.
Allez faire vos devoirs si ce n’est déjà fait. On se revoit dans 150 heures.
Yakuza 8ème jour
Ichiban est la gentillesse incarnée. Pas le profil d’un Yakuza ordinaire visiblement. Il est aussi extrêmement crédule. Au point de passer pour un crétin. Et cette première heure dans un monde crédible, avec des gens normaux… C’est compliqué. Heureusement bien vite le côté délirant de la série reprend le dessus et le personnage s’épanouit. En sautant de situations improbables en délires surréalistes, la personnalité de notre protagoniste fait des miracles.
Le retour de Kiryu, qui fera plaisir à Ombr6, au détour d’un container, fait partie de ces moments incohérents, assumés, de facilités scénaristiques.
On vous rappelle de temps en temps qu’on s’en fout. C’est un jeu vidéo. Votre écrevisse de compagnie oubliée depuis 10 heures va soudain apparaître sur votre épaule : « ho oui, je l’avais oublié celle-là ». Elle n’a jamais été sur votre épaule. On vous retranscrit la perception du héros. Pas la réalité.
Ne vous étonnez donc pas de voir des ennemis particulièrement étranges sur les captures. Le serpent maléfique prend les traits d’un sans-abri qui se dandine dans son sac de couchage, la peur qui vous empêche d’agir naît d’un pervers qui ouvre son imper, votre défense chute parce que vous êtes perturbés par des photos douteuses de vous prises par un influenceur, votre personnage n’ose plus attaquer, car il est « charmé » par une liasse de billets laissée tombée par un ploutocrate… C’est drôle, délirant et en même temps inscrit dans le réel.
Yakuza 8ème chapitre
Si l’histoire principale laisse un peu perplexe en mêlant un « complot » pas très convaincant avec une forte connotation écologique, elle reste toutefois prenante. Elle ne serait toutefois pas grand-chose sans les moments délirants dont nous avons esquissé déjà quelques traits. Mais surtout, l’édifice ne tiendrait pas debout sans ses personnages.
La plupart sont déjà connus, d’où l’intérêt de faire les autres volets avant. Ichiban part à Hawaï pour retrouver un proche disparu après son licenciement, fait la rencontre d’autres personnages qui après l’avoir arnaqué (le touriste japonais, qui sert de proie facile, en prend pour son grade) deviennent ses alliés, convertis à cet être adorable et plein de bonté, qui finit par devenir une véritable figure christique.
Kiryu le rejoint rapidement et à compter du 8ème chapitre, les équipes se séparent. Partagé entre un Kiryu qui revisite au Japon les lieux iconiques de la série, et retrouve des anciennes légendes Yakuza et Ichiban qui continue sa quête sous le soleil hawaïen.
Autant dire qu’à ce moment-là, si vous n’avez pas fait les précédents volets, vous allez trouver le temps long. Le sentiment nostalgique du voyage de Kiryu ne prendra pas, et l’aspect passage de témoins vous semblera anecdotique. Il offre cependant à Kiryu la place qu’il mérite dans la suite de la saga, mais ne gâchons pas le plaisir de la découverte.
Bien sûr, les quêtes font écho à la société japonaise, avec une thématique forte sur les réseaux sociaux, l’hypocrisie face aux enjeux sociaux et écologiques (du monde politique bien sûr, mais pas que).
Mais c’est surtout une ode à l’acceptation : accepter son passé, son histoire, ses qualités et défauts, sa famille et même son héritage. Autant de premiers pas pour expier ses fautes et erreurs. Et au final un plaidoyer : les Yakuzas étaient utiles pour reconstruire la société japonaise, notamment en servant de substitut à la police. Ils sont devenus inutiles dans un État prospère. Ils sont morts. L’État les a tués. Laissez les hommes derrière les organisations payer leurs erreurs, mais laissez-leur une chance de réintégrer la société. C’est admirablement écrit. C’est admirablement interprété. La fin touche en plein cœur.
L’aspect post-yakuza concernant le crime organisé n’est toutefois pas encore abordé. Si les Yakuzas forment une criminalité organisée, elle répond à un code d’honneur strict (les fameuses phalanges coupées quand le code est enfreint qui sont autant de signes distinctifs des anciens Yakuzas qui ont du mal à passer inaperçus même en quittant l’organisation, malgré les phalanges en plastique, d’autant qu’il est très rare de conserver tous ses doigts quand on avance en âge). Démantelez l’organisation, il ne reste plus que des criminels sans foi ni loi. Peut-être un sujet pour un prochain volet.
Les quêtes annexes sont aussi très réussies, mais si la quête principale reste assez sérieuse globalement, elles virent dans l’absurde le plus complet avec notamment le retour d’un fameux aspirateur intelligent géant ou des truands en couches culottes.
Réalisation
La série a toujours été très cinématographique. Yakuza 8 ne déroge pas à la règle et emprunte largement les codes du film de gangsters. Si le moteur accuse son âge, que les artefacts de reconstruction d’image et d’aliasing sont quand même très présents, l’ambiance est là. L’atmosphère d’Hawaï, de Kamourocho et de Yokohama est palpable.
Vous aurez droit à des vieilles musiques de Sega et à des podcasts au niveau sonore, en plus de la BO du jeu. Les doublages sont excellents, même si parfois un peu surjoués, jeu asiatique oblige. La spatialisation est bonne même si, vu le genre, c’est un plus anecdotique.
Le framerate est stable.
Gameplay
Le volet précédent n’a pas fait qu’introduire un nouveau héros. Il a remplacé le gameplay, antérieurement un BTA (Tabassez-les tous ! On appuie sur un bouton et on déclenche un coup de pied ou un coup de poing en temps réel), pour un jRPG (on choisit ses actions en tour par tour, en accumulant de l’expérience pour améliorer son build…). Si ni en qualité de BTA, ni en qualité de jRPG, la série n’a atteint des sommets, force est de constater que ça fonctionne très bien dans ce volet.
Vous devez utiliser les faiblesses élémentaires par exemple. Évidemment, comme il n’y a pas de magie dans le monde réel, les attaques de feu seront symbolisées par un cracheur de feu, les attaques d’eau un parapluie mouillé fera l’affaire, les effluves du job « sans abri » entraîneront des faiblesses chez l’ennemi.
Parce que oui, vous avez des jobs. Ils sont très nombreux et en changer est facultatif. Vous pouvez garder les jobs de départ, c’est équilibré, ou varier les plaisirs, notamment pour tirer parti de l’équipement que vous trouverez. Certaines pièces étant réservées à certains jobs. Vous voulez voir comment ça se passe avec cette planche à réaction, devenez surfeur dans les cabines d’essayage de l’agence de tourisme. Oui, ce n’est plus le pôle emploi comme dans le précédent volet. En même temps, surfeur, est-ce un vrai job ?
Le système de combat gagne en profondeur en soulignant l’importance du placement, et faire tomber un groupe d’adversaires comme au bowling en choisissant bien son angle d’attaque a quelque chose de très satisfaisant. C’est très agréable, surtout que les ennemis sont assez variés.
Vous lootez au passage des objets, vous pouvez créer ou améliorer vos armes. C’est très complet.
Mais ce n’est pas tout.
Le cœur du gameplay est complété de fort belle manière par de nombreuses activités annexes.
Maxi-jeu
Les Yakuzas ont pour particularité de proposer beaucoup de mini-jeux. Vous aurez le droit à des vieilles gloires de Sega en Arcade (ici Virtua Fighter 3tb, Sega bass fishing, SpikeOUT) avec des commentaires laudatifs assez drôles sur celui qui n’est désormais plus qu’un éditeur, on retient aussi la mise en avant de la Dreamcast (au sein des dialogues, mais aussi avec un clone de crazy taxi en cadeau), les classiques Mah Jong, karaoké et autres habitués de la série.
Mais vous avez une spéciale Nintendo en plus. Avec un clone de Pokemon snap, un clone de Pokemon (tout court) qui fonctionne extrêmement bien et qui pousse le bouchon du n’importe quoi très très loin, et un clone d’animal crossing, dans lequel vous pouvez accessoirement faire travailler vos « sujimons », le nom des pokemons dans le jeu (spoiler : ce sont des humains) qui étaient déjà présents dans le précédent volet, mais il suffisait juste de remplir un pokedex. Rien que le pokemon-like et l’animal crossing-like pourraient constituer des jeux complets.
Infinite Wealth n’est pas d’une richesse infinie, mais presque. Je suis même passé à côté de pans entiers du jeu comme le mini-tinder que j’ai seulement lancé une fois, ou les appels de renforts que je n’ai utilisés que lors de sa présentation.
Comptez 60 heures pour la quête principale et une bonne partie des quêtes secondaires, mais si vous accrochez aux mini-jeux, le jeu vous happera minimum 100 heures.
Autant dire que l’achat est fortement recommandé. Like a dragon : infinite wealth font indubitablement partie des jeux marquants de l’année.
Vidéo Test
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