Il y a désormais 15 ans de cela (je suis si vieux), un studio encore peu connu du grand public s’emparait de la licence Batman, un des personnages les plus emblématiques de DC Comics. Réputé tant pour son héros que pour ses récits sombres au sein d’un univers gothico-romanesque, c’est avant tout à son casting d’antagonistes maniaques et hauts en couleur que la licence doit en grande partie son succès.
Fort de nombreuses adaptations sur la plupart des consoles, aucun titre n’avait cependant obtenu le succès de la saga des Arkham, initiée en 2009 par Rocksteady avec Batman : Arkham Asylum. Écoulée à plus de 30 millions d’exemplaires dans le monde, la trilogie (Batman : Arkham Origins does not exist, it can’t hurt you) s’est imposée comme une véritable référence dans le cœur des fans, en plus de redéfinir les codes et les mécaniques du jeu d’action. Son système de combat notamment, faisant appel à un multiplicateur de combo et incluant une mécanique de contre aura été source d’inspiration pour de nombreux cadors du genre (Middle-earth : Shadow of War ou encore Marvel’s Spider-Man pour ne citer qu’eux).
À la suite d’un Gotham Knights plus que mitigé, c’est donc avec appréhension que les fans attendaient le retour du fameux Arkham-verse au sein du dernier né de Rocksteady, Suicide Squad : Kill The Justice League, dont une partie de la communication consistait justement à mettre en avant le retour aux manettes du studio original.
![Image1-1024x576 [Test PS5] Suicide Squad : Kill The Justice League - Virage à contresens au sein de l'Arkham-verse](https://i0.wp.com/www.conso-mag.com/wp-content/uploads/2024/02/Image1.jpg?resize=1024%2C576&ssl=1)
La Team Suicide mais kessecé ?
Initialement simple équipe de militaires d’élite dirigée par le colonel Rick Flag et déployée sur les missions les plus dangereuses, la Suicide Squad trouve sa forme moderne dans les comics de DC à la fin des années 90, avec l’introduction du personnage d’Amanda Waller. Directrice d’A.R.G.U.S., une unité top secrète du gouvernement américain dédiée à la gestion des missions et des crises les plus périlleuses, Waller est à l’origine de l’initiative « Task Force X » consistant à recruter certains des méta-humains les plus dangereux du DC-verse, à les forcer à l’obéissance en leur injectant une nano-bombe dans le cerveau, et à les envoyer sur le terrain pour résoudre lesdites missions périlleuses à moindre coût et sans danger pour les gentils, les vrais.
Depuis, la Force d’Intervention X a subi de nombreuses itérations, y compris des adaptations récentes plus ou moins réussies au cinéma, mettant en scène certains personnages récurrents comme Harley Queen. Après lui avoir collé deux trois taquets avec les gros bras de Batman dans la trilogie d’origine, Rocksteady propose donc ici un virement à 180° en vous permettant d’incarner l’une de ses antagonistes les plus célèbres, enfin libérée du joug du Joker.
A ses côtés on retrouve trois autres personnages relativement récurrents dans la série des Suicide Squad : Deadshot, le tireur d’élite assassin grognon, Captain Boomerang, a.k.a George Harkness, vraisemblablement tout droit sorti d’un vide-ordure australien, et King Shark, alias Nanahue, le seul des quatre comparses à être vraiment un méta-humain et à disposer des compétences physiques pour rivaliser un tant soit peu avec les monstres de la Ligue des Justiciers.
Sans trop en dévoiler sur le scénario, nos quatre brigands de grands chemins intègrent donc de force la Team Suicide afin d’être parachutés en plein cœur de Métropolis, la ville d’accueil de Superman, transformée en véritable champ de bataille par l’invasion de Brainiac et son armée de poulpes de l’espace, bien déterminés à convertir les terriens en dociles zombies mutants pour renforcer son armée.
Petite cerise sur le Daily Planet, hormis quelques rares chanceux, Brainiac semble être parvenu à posséder et à contrôler les membres de la Ligue des Justiciers qu’Amanda Waller et les membres d’A.R.G.U.S. considèrent comme définitivement perdus. Charge à nos quatre malfrats de mettre donc fin aux jours des plus grands héros de notre système solaire et à ceux de l’invasion alien avant que celle-ci ne s’étende et ne mène à l’extinction de l’espèce humaine… Pas facile, facile quand on est une ancienne psychiatre championne de gymnastique, schizophrène et armée d’une pétoire à confettis.
![Image2-1024x576 [Test PS5] Suicide Squad : Kill The Justice League - Virage à contresens au sein de l'Arkham-verse](https://i0.wp.com/www.conso-mag.com/wp-content/uploads/2024/02/Image2.jpg?resize=1024%2C576&ssl=1)
Boum, boum, pan, pan, t’es mort !
Commence donc votre épopée dans les étendues dévastées de Métropolis. L’histoire se décompose en une série d’activités à mener en fonction de l’agenda de Waller et de ses différents lieutenants. Les objectifs sont pour la plupart très classique : aller sauver des civils, tendre une embuscade à un groupe de soldats ennemis, affronter un boss, protéger un objectif, … Chacun menant inéluctablement au même résultat : arroser tout ce qui bouge et coller un maximum de plombs dans des crânes aliens, le tout sur fonds des jacassements hystériques de Harley et de ses comparses.
Si vous espériez une ambiance un peu méditative vous risquez en effet d’être déçus. La Squad parle en permanence et si vous jouez en V.O vous aurez bien du mal à saisir le défilement des sous titres tant le gameplay dynamique demande de rester un chouïa concentré sur son viseur.
Niveau équipement, chacun des membres de la team dispose de deux armes interchangeables, de grenades et d’une arme de corps à corps mais la particularité du gameplay de chacun des combattants réside avant tout dans leur mode de déplacement.
A l’instar de Gotham City dans le Arkham-verse, la zone de jeu de la ville de Métropolis est assez conséquente et nos super vilains disposent chacun d’un gadget dérobé à la Ligue des Justiciers pour se déplacer. Harley Queen utilise un bat-grappin dont la maniabilité n’est pas sans rappeler le système de déplacement de la trilogie d’origine ; Deadshot dispose d’un jet pack plus ou moins stable ; Captain Boomerang utilise un gant lui permettant de charger ses boomerangs avec la Speed Force pour se téléporter et King Shark fait appel à sa force brute pour faire des sauts de plusieurs dizaines de mètres.
Ces méthodes spécifiques se retrouvent également dans la « Traversal Attack », une attaque ultime propre à chaque personnage se chargeant au fur et à mesure des kills et permettant de nettoyer la zone en un instant si correctement utilisée.
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Et c’est là que se situe le cœur du gameplay. Les premières heures permettront notamment de débloquer l’arbre des talents de chaque personnage qui, il faut vraiment le reconnaître, offre une flexibilité très intéressante dans la façon dont on souhaite jouer chaque personnage.
La boucle de gameplay par contre consistera essentiellement à se propulser dans les airs pour esquiver les rafales de tirs ennemis et à pulvériser de l’alien violet par paquets. S’ajoutent à cela quelques subtilités et combos d’équipe comme la possibilité de tirer dans les jambes des ennemis pour déclencher un état spécifique permettant, au moyen d’une attaque au corps à corps, de régénérer la jauge de bouclier (essentielle pour espérer survivre en cas d’esquive loupée, surtout dans les difficultés les plus élevées). Cette subtilité, au même titre que les builds, ne modifie toutefois pas le cœur du jeu dont on pourrait craindre la redondance à long terme, surtout dans les activités de endgame, assez peu nombreuses en définitive.
En bon looter-shooter, Suicide Squad : KTJL propose également après chaque mission de récupérer du loot aléatoire permettant de récupérer des armes plus puissantes ou des mods pour les boucliers de l’équipe. Si les bonus offerts permettent là encore de complètement adapter son style de jeu à sa manière favorite de jouer (King Shark peut par exemple être joué très corps à corps et tanky avec un fusil à pompe ou à l’inverse utiliser une mitrailleuse pour arroser de dégâts les groupes d’ennemis) on regrettera le manque de personnalité des pétoires proposées. Entre un fusil à pompe jaune et un fusil à pompe noir on aurait peut-être apprécié de trouver un triple canon qui lance des confettis, recouverts de graffitis verts et violets.
De même, si l’utilisation d’une arme à feu se justifie pour Harley et Deadshot, l’absence totale de possibilité de boomeranguer les ennemis avec le Capitaine du même nom, ou de les déchiqueter sauvagement avec la force brute de Nanahue, en dehors d’un finisher au corps à corps très appréciable, peut laisser le joueur affamé de lore un peu sur sa faim.
Suicide Squad : Kill The Justice League venant d’être lancé, je vous recommande donc attendre de découvrir le programme prévu par Rocksteady pour dynamiser son endgame, incluant de nouveaux épisodes d’histoire, de nouveaux raids, personnages et potentiels modes de jeu, avant d’investir. Car pour un triple A proposé à pas moins de 70€ en fonction de la plateforme, la concurrence actuelle est rude (coucou Helldivers 2).
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Why so serious ?
Mais laissons là ces considérations bassement terre à terre et intéressons-nous aux points forts de Suicide Squad : Kill The Justice League. Car il y en a, et ils sont très, très forts !
A commencer par son scénario ! Fort d’une trilogie de légende et de son expertise dans le ficelage de scénario alambiqué, Rocksteady délivre ici, dans la vingtaine d’heures que dure le scénario principal, un véritable petit bijou pour tous les fans de la Force d’Intervention X, de ses personnages récurrents et du DC-verse de manière générale.
Sans tomber dans le spoiler bassement vicieux, Suicide Squad : KTJL arrive à surprendre tel un Injustice : Gods Among Us, dont la façade en apparence simple de bête jeu de bagarre entre Batman et Superman cachait un scénario outrageusement captivant, aujourd’hui adapté dans un format comics absolument délectable.
Les techniques d’animation utilisées laissent parfois pantois tant les visages des protagonistes sont expressifs, autorisant une tout autre forme de communication entre les protagonistes que le simple dialogue, et on en vient à ignorer certaines activités annexes parfaitement réalisables plus tard dans le jeu pour aller profiter de la cinématique suivante.
Fait suffisamment rare pour le noter en plein cœur de la « Fatigue Marvel », l’humour est parfaitement dosé. Un dialogue bien écrit, un regard convenu entre deux personnages un peu débiles et on se surprend à laisser échapper un éclat de rire sincère. Nos quatre valeureux psychopathes disposent tous d’une personnalité riche et bien développée au cours du récit qui donne envie de se laisser apprivoiser et de s’attacher. Oui, même à ce clochard de Captain Boomerang, probablement mon petit favori de la bande avec son accent incompréhensible.
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En un mot comme en cent, pour tous les fans du Arkham-verse, il est très fortement recommandé de faire le scénario de Suicide Squad, au cours duquel Rocksteady démontre encore une fois la maîtrise de son sujet.
D’autre part et outre la redondance évoquée plus haut, le gameplay affiche un véritable dynamisme. L’obligation d’utiliser l’arsenal aérien de nos quatre vauriens pour contourner les protections mises en place par les ennemis pousse à la maîtrise de l’environnement et des différentes attaques et compétences proposées par l’arbre des talents.
Parlant de ce dernier, les options de personnalisation proposées par Suicide Squad : KTJL défient par moment l’entendement. Entre l’arbre des talents conséquents pour chacun des personnages et le système de personnalisation des compétences de chacune des pièces de votre équipement, les fans absolus de micro-management (je vous vois et je suis avec vous !) trouveront très certainement des heures de réflexion et d’optimisation à passer à la moulinette du jeu.
Une réussite donc que l’on n’aurait pas espérée tant le titre avance à contre-courant depuis le début de sa campagne de communication. Une réussite qui, on l’espère, survivra au jeu et à son lancement mitigé, pour permettre au studio chéri de notre cœur de poursuivre son aventure à travers de nouvelles œuvres.
Suicide Squad : Kill The Justice League est disponible en version complète sur Playstation 5, Xbox Series S et Series X ainsi que sur PC via Steam depuis le 2 février 2024.