Depuis quelques temps, les jeux de société consacrés à la préhistoire ont le vent en poupe. Il y a eu le plus décalé, Krom, le plus coopératif, Paléo, et même le plus initiatique, Fire & Stone. Nous voilà désormais face au plus documenté et au plus asymétrique : Aurignac !
Aurignac, Haute-Garonne, il y a (à peu près) 35.000 ans. Débarquant des grandes plaines africaines, les Homo Sapiens arrivent en Europe occidentale. Découvrant un paysage de steppes parcouru de nombreux cours d’eau et riche en crêtes calcaires, ils choisissent de s’y installer pour y continuer leur développement artistique, spirituel et technologique. Ce qu’ils ignorent (ou pas d’ailleurs, les sources sont assez imprécises), c’est qu’une autre espèce, un poil plus rustre, y est implantée depuis plusieurs centaines de milliers d’années : les Néandertals. Mais à la fin, les livres d’histoire en témoignent, il ne peut en rester qu’un (ou aucun d’ailleurs…).
Hommes vs Hommes vs Nature
Aurignac se présente donc comme un jeu de plateau parfaitement asymétrique. Dans celui-ci, il sera possible d’incarner une tribu Homo Sapiens, une tribu Néandertal ou Mère Nature herself. L’intérêt du jeu est que chaque rôle sera joué selon sa propre mécanique (et aura ses propres conditions de victoire). Pour Néandertal, il s’agira de réussir à fonder sept nouvelles tribus et pour y parvenir, le joueur aura recours à un système de pose d’ouvriers. S’il souhaite se déplacer, fabriquer des objets, chasser ou encore attaquer, il devra donc déplacer des membres de sa tribu vers l’action correspondante. Pour Homo Sapiens, l’objectif sera de terminer la réalisation de trois œuvres différentes et sa mécanique à lui sera celle du deck-building. Il disposera donc d’un deck de départ grâce auquel il pourra effectuer ses différentes actions mais qu’il devra aussi améliorer en achetant de nouvelles cartes capacités.
Et quant à Mère Nature, eh bien son rôle est un peu particulier. Déjà, elle n’a pas de tour de jeu à proprement parler. Grâce à un système de gestion de main, elle va intervenir lors des tours des autres joueurs pour réagir à leurs actions. Par exemple, elle pourra déclencher une fureur bestiale quand le membre d’une tribu essaiera de chasser ou encore provoquer une disette s’il se déplace sur un territoire où il espérait glaner quelques ressources. Bref, le but de Mère Nature est de rendre la vie des tribus infernale. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle gagne si au bout de dix saisons, aucune des tribus en jeu n’a rempli son objectif. A croire qu’elle avait deviné que l’homme préhistorique deviendrait un jour l’homme moderne qui mettrait tant à mal son fragile équilibre…
Entre domestication du loup et chasse au mammouth
Prises indépendamment, les mécaniques de chacune des tribus et de Mère Nature ne sont pas révolutionnaires. Leur intérêt est bien évidemment de coexister au sein d’un même jeu, et ce sans mettre en péril l’équilibre de l’ensemble. C’est ce tour de force que réussit Aurignac. Quel que soit le rôle choisi, il est très plaisant à jouer. Chacun tente de tirer le meilleur parti de sa propre mécanique mais les interactions sont pourtant bien présentes puisque les tribus sont toutes condamnées à tenter de survivre sur un même plateau central.
De plus, et c’est là une des grandes forces d’Aurignac, le jeu est très bien ancré dans son thème. Nous l’avons dit, il est bien documenté et cela se ressent dans sa conception et même dans ses effets de jeu. A titre d’exemple, les Sapiens et les Néandertal disposent chacun de ressources qui leur sont propres (mais que ferait un Sapiens d’un biface ou un Néandertal d’un bois de renne ?). De la même façon, l’intervention de Mère Nature est bien présente sans être trop punitive. Bien sûr, elle est susceptible de déclencher des tornades, de faire tomber la foudre et ne manquera pas de se mettre en colère face à la surchasse mais malgré tout, les tribus conservent toutes leurs chances dans cette folle course à l’humanité.
En conclusion
Basé sur des mécaniques simples mais parfaitement imbriquées, Aurignac nous a surpris par son côté équilibré (pas si simple dans un jeu à ce point asymétrique). Le souci du détail qui a visiblement animé la construction de son thème est aussi à souligner. Nous avons là un jeu intelligent, très soigné et qui mérite à coup sûr une place dans votre ludothèque.
Aurignac, un jeu de Loïc Lamy, illustré par Loïc Vaïarello et édité par Oka Luda.
Nombre de joueurs : 1 à 5
Âge : dès 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 minutes par joueur