Sorti fin octobre, Dragon Age : The Veilguard est la conclusion d’une longue saga de jeux vidéo, parue à ses débuts sous la forme d’un C-RPG alliant combats tactiques en temps réel à un univers médiéval et sombre en proie à de nombreux conflits politiques et sociaux, le tout dans un contexte de risque d’invasion permanent par les forces ténèbres. Un univers de Dark Fantasy pas piqué des hannetons ayant connus ses succès comme ses échecs mais dont la réputation n’est plus à faire aujourd’hui.
Enorme succès parmi les énormes succès du studio BioWare, la formule proposée par Dragon Age : Origins en 2009 plait rapidement. Il faut dire que le tout premier titre de la saga incorpore et sublime la plupart des éléments typiques de l’âge d’or du studio : un univers complexe où la magie se meurt et où le racisme inter-espèce permet de remettre en question les constructions sociales du monde moderne, un scénario travaillé et alambiqué juste ce qu’il faut pour captiver les chercheurs de lore et un roster de compagnons aux origines variées, évidemment tous romançables à l’envie.
Le succès est tel que le studio, désormais sous la houlette d’Electronic Arts, embraie immédiatement sur la conception d’un deuxième opus en un temps record. Une année à peine, dans des conditions plus que limite pour les équipes chargées de satisfaire leur nouvel Business-Overlord. Le résultat ne se fait pas attendre : les fans sont déçus et la licence prend quelques années de répit pour travailler et peaufiner son troisième opus.
Il faudra attendre 2014 pour voir arriver Dragon Age : Inquisition, porte d’entrée de nombreux fans actuels de la licence, dont l’accès aux précédents opus était limité par une contrainte technologique (les bons ordinateurs patate) ou tout simplement d’âge (« Maman tu m’achètes le jeu avec du sang et des dames un peu dénudées ? »).
Rebattant les cartes de la traditionnelles formule du C-RPG, Dragon Age : Inquisition proposait au joueur d’incarner l’Inquisiteur, un pauvre hère entrainé bien malgré lui au sein d‘un conflit politique entre deux factions emblématiques de l’univers : les Templiers, soldats chasseurs de mages, immunisés aux sorts grâce à leur consommation régulière de drogues arcaniques ; et les Mages eux-mêmes, dont les pouvoirs attirent malheureusement les démons vivant de l’autre coté du Voile, une barrière séparant le monde « normal » d’une dimension éthérique parallèle difforme, les rendant susceptibles à la possession par ces mêmes entités.
Dans un contexte industriel où les jeux de fantasy à succès se multipliaient (The Witcher pour ne citer que lui) et après la déception du deuxième épisode, il était crucial pour Dragon Age de proposer quelque chose de nouveau. Cette volonté se traduisait très fortement dans les systèmes proposés par Inquisition. Plus de C-RPG un peu vieillot, le titre se voulait un Action RPG, doté néanmoins de la fameuse pause tactique permettant de donner des ordres en combat à votre groupe d’unité.
Idem au niveau des zones accessibles à votre personnage : plus de délimitations précises comme ce pouvait être le cas auparavant, Inquisition proposait de larges zones semi-ouvertes avec des dizaines de marqueurs de quêtes annexes à compléter, traumatisme bien connu des adeptes du Ubisoft-verse, et la possibilité si l’on était peu prudent de tomber sur un gros dragon bien trop costaud au détour d’un virage.
Mais la raison principale du succès de Dragon Age : Inquisition, c’est le suivi proposé par les équipes de BioWare, 5 ans après le lancement du premier jeu. Pour peu que vous eussiez été un fan assidu de la licence, le développeur vous offrait l’accès à un site web entièrement dédié aux choix effectués dans les précédents épisodes de la saga. A vous donc les petites remarques de Leliana, une des conseillères de l’Inquisiteur et ancien compagnon jouable de Dragon Age : Origins, sur son amant et compagnon de la Garde des Ombres a.k.a votre personnage dans le premier épisode.
Cela pourrait sembler anecdotique mais la sensation de participer vraiment à la progression du monde et d’avoir eu un impact sur les évènements du jeu fut l’argument clé du succès d’Inquisition pour de nombreuses personnes, tout en constituant une porte d’entrée exceptionnelle pour les nouveaux joueurs. L’impact de ces quelques lignes de dialogues additionnelles fut un vrai argument pour une catégorie particulière de joueur pour refaire ou simplement découvrir les précédents épisodes.
Inquisitionner pas plus loin que le bout de son nez
Et c’est la première déception induite par Dragon Age : The Veilguard. Probablement conscients de l’arrivée massive de nouveaux joueurs avec Inquisition, les développeurs n’ont pas pris la peine cette fois-ci de recréer (ou de mettre à jour) un site entier dédié à vos choix dans les précédents opus mais vous proposent au début du jeu de recréer votre Inquisiteur et de sélectionner ses choix quant à deux décisions très importantes d’Inquisition : la romance de l’Inquisiteur et sa décision quant aux institutions religieuses de Thedas, pour ne pas trop en dire.
Fini donc la longue continuité entre tous les épisodes de la saga, qui faisait la petite distinction originale de Dragon Age dans le paysage fourni des jeux vidéo à thématique Dark Fantasy. Ce choix, probablement nécessaire pour répondre à un cahier des charges incluant un certain besoin de rentabilité, implique également une plus grande légèreté dans l’écriture des personnages et le scénario.
Si les clins d’œil aux anciens opus restent nombreux, on s’apercevra rapidement que la profondeur typique des dialogues d’Inquisition et les conflits moraux et idéologiques auxquels vos compagnons doivent faire face a également pris un peu de plomb dans l’aile.
Sans critiquer ouvertement la plume des scénaristes et dialoguistes du jeu, Dragon Age : The Veilguard se veut toutefois un titre beaucoup plus « light » dans sa vibe « Dark », avec quelques traits d’humours presque Marvelesques par moment. Les compagnons, feature emblématique de la saga, souffrent également de cet allègement, tant dans leur implication auprès de votre personnage que dans leurs questionnements et leur origine. Un choix fait pour plaire au plus grand nombre, à n’en pas douter, mais terriblement décevant par moment pour les fans assidus en recherche active de tragédie et de questionnements moraux.
Un exemple concret de cet allègement du lore et des implications liées à l’univers de Thedas apparaît immédiatement à la création du personnage qui vous propose de choisir votre faction, votre classe et votre espèce. Il vous sera donc possible de rejoindre au choix les Corbeaux d’Antiva, une faction d’assassins très mystérieuse dans les premiers opus, les Seigneurs de la Fortune, sorte d’explorateurs et chercheurs de trésors, les Gardes des Ombres, sentinelles dédiées au combat contre les Engeances et les forces du mal en général, les Sentinelles Funestes, des gardiens des morts et des savoirs perdus, les Mandataires du Voile, majoritairement des Elfes et des experts du Voile et des magies interdites liées au royaume parallèle, et les Dragons de l’Ombre, un groupe de résistant s’opposant à la corruption et à l’esclavagisme au sein du royaume magique de Tevinter.
Aucune restriction de classe ou d’espèce ne vous sera imposée au choix de l’une de ces factions. Toutefois, le scénario initial de Veilguard contraindra Rook, le personnage principal, à quitter cette faction. Un choix qui, si vous avez suivi les précédents épisodes, entraine en général la mort ou l’assassinat du déserteur, même avec l’accord de ses supérieurs. Idem dans le choix d’espèce : qu’un Qunari puisse rejoindre les Mandataires du Voile, ordre quasiment exclusivement composé d’Elfes, une espèce hautement persécutée en Thedas, ne gêne visiblement personne.
Un bon Dragon est un Dragon mort
C’est cependant au niveau du gameplay qu’il faudra aller chercher Dragon Age : The Veilguard. Les tentatives initiées dans Inquisition ressortent ici très clairement améliorées. Vous aurez la possibilité de choisir donc parmi les emblématiques Guerriers, Voleurs et Mages. A partir de là, votre spécialisation dépendra uniquement de vos choix sur l’arbre des compétences.
Celui-ci vous propose en effet de vous orienter vers trois sous spécialisations, mais libre à vous d’orienter votre personnage comme bon vous semblera. Chaque classe dispose par ailleurs de deux armes dédiées qui influeront sur votre style de combat et sur vos choix dans les compétences.
En outre, le jeu se pare d’un système de combos impliquant vos compagnons. Outre l’élément propre à chacune de leurs actions (Glace, Feu, Foudre, etc.), certaines de leurs compétences seront en mesure d’infliger un effet « Appliquer » ou « Détoner ». Utiliser ces effets dans le bon ordre (« Appliquer » puis « Détonner ») permet de déclencher des attaques très puissantes entre vos compagnons ou avec votre personnage.
Un indicateur visuel vous permettra d’identifier rapidement les bonnes combinaisons sans avoir à tester chacune d’entre elles. La pause active toujours présente vous laissera également le temps pour les moins adroits de choisir vos attaques pour les déclencher quand bon vous semblera.
Et c’est à peu près tout ce qu’il convient de savoir avant de plonger dans les combats de Dragon Age : The Veilguard, dont le bestiaire reste malheureusement terriblement limité. S’ils changent visuellement, les ennemis, hors boss, adoptent toujours l’un des trois ou quatre archétypes présents dès le début du jeu : un attaquant longue distance ou un tank avec une arme à deux mains par exemple, ce qui rend les combats à la longue particulièrement répétitifs.
La grande variété de compétences et de builds réalisables via l’arbre des compétences et réinitialisables à l’envie ajoute à la diversité de ces interactions mais c’est clairement dans le scénario et la conclusion de l’acte de Fen’Harel, Le fameux Dread Wolf, que l’on trouvera l’accroche nécessaire pour poursuivre le jeu jusqu’au bout.
Mais alors, Dragon Age : The Veilguard vaut il le coup avec son scénario allégé dans ses aspects les plus sombres et un système de jeu pouvant s’avérer répétitif par endroit ? La réponse reste oui. Si ces airs de « Mon Premier Dragon Age » pourraient rebuter les vétérans de la saga, The Veilguard reste un titre plus que correct par endroit.
Graphiquement, le jeu est probablement une des plus belles prouesses techniques de l’année 2024. Nous ne pouvons d’ailleurs que vous encourager à créer un personnage aux cheveux long pour profiter d’une des mécaniques les plus esthétiquement incroyable jamais vue.
Scénaristiquement, la conclusion de The Veilguard apporte un point définitif et satisfaisant à une quête épique initiée il y a plus de 10 ans par Origins et marque un vrai tournant dans la saga dont le prochain opus, s’il existe un jour, aura le privilège de démarrer un nouvel arc. Si la touche « Dark » du titre semble s’être allégée dans l’écriture, le scénario et les choix drastiques qu’il vous impose restent un véritable bon point dans la réalisation du jeu avec les doutes et les conséquences que chaque décision entrainera.
Dans la catégorie des Dragon Age, The Veilguard reste donc un peu en dessous de son prédécesseur, Inquisition, et ne saurait pour les vétérans, arriver à la cheville d’Origins. Pour les joueurs ayant découvert la saga à travers Inquisition ou pour ceux qui souhaiteraient s’initier à l’aventure, nous ne pouvons que recommander de tremper un doigt de pied dans cet univers fantastique qu’a créé et développé un des studios les plus innovants de ces 10 dernières années.
On ne saurait toutefois que trop vous recommander d’attendre une promotion sur le prix du jeu.
Dragon Age : The Veilguard est actuellement disponible depuis le 31 octobre 2024 sur toutes les plateformes.